Un réseau social peut-il tomber ? Dans une tribune parue dans le journal Le Monde, 87 associations et syndicats ont annoncé leur départ collectif le réseau social X (ex-Twitter) le 20 janvier 2025, date de l’investiture de Donald Trump. Un mouvement d’ampleur, ralié en France par des dizaines d'institutions, collectivités ou de personnalités publiques.
Dans cet article on revient sur le réseau X, le rôle d’Elon Musk dans l’investiture de Donald Trump et sur le mouvement HelloQuitteX et les alternatives à Twitter, Facebook et Instagram existantes parmi les logiciels libres.
Le réseau X : un réseau (a)social
Twitter est sans doute l’un des pires réseau social qui existe, depuis plusieurs années ce n’est plus qu’un flot de contenus réactionnaires, obscènes, violents et mensongers.

L’information et l’argumentation y sont pauvres, plus le message est court et cash mieux c’est. Ce réseau favorise également l’entre-soi et la confrontation binaire : on suit les comptes avec lesquels on est en accord, on se désabonne dès que ça nous déplait. Un effet renforcé par l'utilisation d'algorithmes.
« En effet, des algorithmes à l’interface de X, tout est fait pour maximiser les tensions : le réseau n’est pas un espace de débat mais de confrontation. » (Contre Attaque)
De plus on y trouve la pratique du « doxxing », c’est-à-dire la divulgation et le partage d’informations personnelles (réelles ou supposées) afin de salir une personne ciblée, souvent dans le cadre de campagnes de harcèlement de la part de l’extrême droite.
« Ces phénomènes conduisent à un affaiblissement de la santé mentale des utilisateur·ices, qui doivent anticiper le risque de « shitstorm », y compris vis-à-vis des réseaux gauchistes, à chacun de leurs messages. » (Contre Attaque).

Enfin, X comme twitter, encourage également des conduites addictives. Ce réseau provoque de l'hyperconnexion en générant de l'anxiété, les utilisateurs ont peur de passer à côté de ce qui se passe en ligne, ce qui les pousse à rester continuellement connectés. Au final, Twitter réussit à leur faire croire qu'ils existent médiatiquement, politiquement et que le nombre d'abonnés est un capital, qu'il ne faut absolument pas perdre.
Si l'hyperconnexion n'est pas reconnue officiellement comme une addiction par l'OMS, elle fait l'objet de plus en plus de recherches dans le milieu médical, notamment depuis que l'addiction aux jeux vidéos a été reconnue en 2018.
« Loin d’être un véritable « réseau social », où des individus peuvent entrer en contact les uns les autres et nouer des relations enrichissantes, X va au contraire les désocialiser en organisant une consommation de masse de la punchline agressive et mal digérée.» (Contre Attaque)

Un outil de l’extrême droite
Twitter encourage depuis longtemps les discours de haine et le harcèlement mais, ces derniers mois, il est devenu l’espace d’expression privilégié de l’extrême droite.
En devenant l’actionnaire majoritaire de Twitter en 2022, Elon Musk en a fait sa chose, au point d’en transformer complètement l’identité. X possède désormais un fonctionnement extrêmement vertical. D'ailleurs Elon Musk dès son arrivée n’a pas hésité à virer 80% de ses employés.
Or depuis qu’il en est à la tête, on voit que les contenus et les comptes d’extrême droites sont favorisés, alors que les comptes d’extrême gauche perdent en visibilité, lorsqu’ils ne sont pas tout simplement fermés. Sa reprise de X a correspondu à une explosion des propos antisémites sur le réseau sans qu’il lève le petit doigt pour empêcher ce déferlement de haine. Au contraire, Musk assume complètement d’avoir ramené sur son réseau des figures bannies pour leurs positions racistes.
En novembre 2023, Elon Musk a ciblé sur X l’Anti-Defamation League (ADL), la principale organisation américaine de lutte contre l’antisémitisme, qui dénonçait un triplement des propos anti-Noirs et une hausse de 60 % environ des publications homophobes et antisémites sur le réseau social depuis qu’il en avait pris le contrôle en 2022.
Elon Musk affiche à présent ouvertement ses idées fascistes, allant jusqu’à faire deux saluts nazis lors de l’investiture de Donald Trump. Il affiche également son soutien au parti d’extrême droite allemand AfD, qui pourrait faire un score record aux élections législatives du 23 février et a annoncé vouloir financer le parti d’extrême droite britannique Reform UK.

Derrière Trump : Elon Musk et X
Elon Musk a soutenu la candidature de Donald Trump dès les premiers instants, a été constamment présent dans la campagne. Il a débloqué le compte de Donald Trump qui avait été fermé pour cause d’incitation au coup d’État sur le réseau X, en même temps que celui de milliers de néo-nazis, révisionnistes et suprémacistes.
Il a également mis son réseau social X à disposition du candidat républicain, réglant ses algorithmes pour relayer sans restriction et sans filtre ses messages et ceux en faveur du Parti républicain, tout comme les fausses informations contre Kamala Harris et le camp démocrate. Il a également nourrit la défiance sur la probité des résultats s’ils n’étaient pas en faveur de Trump.
Mediapart a documenté comment Elon Musk avait manipulé ses utilisateurs et ses utilisatrices au service de la victoire de son camp. « You are the media now », les a-t-il félicité·es au lendemain de l’élection de son candidat, pour signifier sa volonté d’en finir avec le journalisme.
« Ce qui rend possible un État totalitaire ou une dictature, c’est que les gens ne sont pas informés […]. Si tout le monde vous ment en permanence, la conséquence n’est pas que vous croyez aux mensonges mais plutôt que personne ne croit plus en rien »
(Hannah Arendt en 1974 dans une interview à la New York Review of Books.)

Elon Musk a créé une organisation politique, America PAC, pour soutenir Donald Trump, il a multiplié les dons. Dans les dernières semaines, il n’a pas hésité à offrir 1 million par jour à des électeurs et électrices de Pennsylvanie qui se déclaraient en faveur du candidat républicain. Au total, Elon Musk aurait dépensé, selon les premières estimations, plus de 130 millions de dollars (120 millions d’euros), se hissant au sommet des donateurs dans une campagne marquée par une débauche financière sans précédent.
Donald Trump considère que l’appui d’Elon Musk est si décisif qu’il n’a pas hésité, dès le discours durant lequel il a revendiqué sa victoire, à consacrer de longues minutes à le remercier. Il a d'ailleurs annoncé qu’Elon Musk serait intronisé « ministre de l’efficacité gouvernementale ».
Autrement dit, Elon Musk a été choisi par Donald Trump pour réduire au minimum les pouvoirs de l’État en matière de lois et de contrôle sur les entreprises, mais aussi en faisant disparaitre tous les filets sociaux (déjà minces aux USA) comme les aides et les bons alimentaires. Un projet pas très éloigné du programme libertarien extrémiste du président argentin Javier Milei.

HelloquitteX : un appel à déserter X !
Et si on cassait le jouet préféré d’Elon Musk ? C’est le pari du mouvement HelloQuitteX, porté entre autre par le mathématicien du CNRS, David Chavalarias, qui s’est fait connaître avec son ouvrage "Toxic Data" qui décrypte la manière dont les réseaux sociaux manipulent nos opinions. Le but du mouvement : entrainer un exode massif de X vers d'autres réseaux sociaux plus éthiques et moins toxiques.
87 associations et syndicats ont rejoint HelloquitteX et annoncé leur départ collectif du réseau X le 20 janvier 2025 date de l’investiture de Donald Trump, dans une tribune publiée dans le Monde (voir ci-dessous).
Ce mouvement a été rallié en France par des dizaines d'institutions, collectivités ou de personnalités publiques. Des milliers organisations, personnalités et médias dans le monde ont également annoncé leur départ, comme le quotidien britannique The Guardian ou l'écrivain Stephen King. De quoi donner de l'espoir !
Depuis les élections américaines, on assiste à un départ massif de la plateforme X, encore plus important qu’au moment du rachat de Twitter en 2022. Médias, organisations et surtout des millions de citoyen·nes ont quitté la plateforme.

Mastodon et Bluesky : des alternatives à X, Instagram et Facebook
Le but d’HelloquitteX n’est pas seulement de déserter Twitter, mais également d’entrainer un exode massif de X vers d'autres réseaux sociaux plus éthiques et moins toxiques.
Des alternatives existent : Mastodon est un réseau social sans publicité et un logiciel libre et open source développé par une organisation à but non lucratif. Bluesky est un réseau social qui reprend à l’identique l’interface de twitter, sans ses algorithmes, il dispose de son propre protocole pour fonctionner.
« Après quelques semaines de présence sur Bluesky et plusieurs années sur Mastodon, nous en faisons le constat : la modération est moins nuisible sur ces réseaux dont les algorithmes sont pensés pour ne pas alimenter la haine de l’autre. » (Contre Attaque)
D'après ses utilisateurs, Bluesky, est plus simple d’utilisation que Mastodon, cependant ce réseau a été créé par Twitter, qui l’a financé jusqu’à la nomination d’Elon Musk en 2022. Derrière, se cache une société commerciale de droit américain, qui vient d’être valorisée à 700 millions de dollars et de faire une nouvelle levée de fonds d’investissement. Derrière, il y a des fonds d’investissement comme Bain Capital, des fonds d’investissement de cryptomonnaie (source bastamag).

Mastodon a l’avantage sur Bluesky d’être un réseau décentralisé, ce qui veut dire qu’il n’est pas contrôlé par une entreprise qui gère tout. Des structures indépendantes des fondateurs de Mastodon peuvent créer leurs propres serveurs sur le réseau. On y trouve déjà un certain nombre d’organisations et de media, comme La Quadrature du Net et Mediapart. Chaque serveur Mastodon est totalement indépendant, tout en étant capable d’interagir avec les autres pour former un réseau social mondial.
« Aujourd’hui, Mastodon c’est 10 000 instances indépendantes de ce type, qui assument leurs coûts d’hébergement et opérationnels (technique, modération…) (...) le réseau souhaite se transformer en fondation, gouvernée de manière collégiale et transparente, pour le protéger de tout rachat par des milliardaires mal (ou même bien) intentionnés. »
"Mastodon, c’est un bien commun, surtout vu l’environnement médiatique et politique", Bastamag

S'il est difficile de savoir ce que deviendront Bluesky, Threads, Instagram, LinkedIn ou TikTok, il semble plus facile d’imaginer que Mastodon restera durablement vivable, en raison de son architecture décentralisée et de ses règles de modération différenciées selon les « instances ».
« Avec déjà plusieurs millions d’utilisateurices, nous sommes convaincu.es que Mastodon est la meilleure alternative à Twitter pour nous (…) BlueSky existe également, mais nous craignons que ce réseau répète les erreurs de Twitter » (LDQN)
Notre collectif n'est pour l'instant pas encore sur Mastodon et si nous n'avons jamais été sur Twitter ou X, nous sommes actuellement présent sur Facebook comme un certain nombre de médias alternatifs et de groupes militants. En effet, il nous semblait, et nous semble toujours, important de ne pas rester dans l'entre-soi militant mais de toucher d'autres publics.
Néanmoins, tout comme bon nombre de groupes militants sur Facebook, nous avons vu à quel point ce réseau a changé depuis quelques années occasionnant une perte d'audience des médias militants. De plus, le revirement de Mark Zuckerberg en faveur de Trump et ses récentes annonces sur la fin des modérations des contenus racistes et anti-LGBT, donne matière à réfléchir. Il n'est donc pas exclue que nous migrions vers les plateformes alternatives comme Mastodon ou Peertube dans un proche avenir.
D'ici là, nous vous encourageons à suivre ce site internet et à aller faire un tour sur les logiciels libres pour voir les comptes des organisations et des médias qui y sont déjà.
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