L'offensive obsurantiste du trumpisme aux Etats-Unis contre la science prend des formes variées : interdictions d'entrée, arrestations d'étudiant.es y compris dans leurs locaux, licenciements et/ou liquidations de structures, de programmes de recherche, listes de mots liés au genre, aux minorités sexuelles ou ethniques, ainsi qu’au changement climatique à banir (rappelant la novlangue de 1984, de George Orwell, ou d'autres mesures du même genre initiées par les Hitler, Staline, Mussolini, Poutine...).
Mais on ne doit pas en rester à cette caricature trumpienne : en France, depuis plusieurs années, le pouvoir attaque les scientifiques (il y a 4 ans la ministre Frédérique Vidal voulant diligenter une enquête contre les islamo-gauchistes à la fac, ou la campagne médiatique récurrente "à quoi sert le CNRS ?") et leurs moyens (plusieurs filières sont actuellement menacées - plutôt des sciences humaines ou fondamentales, pas des écoles de commerce... - par les avis défavorables d'un "Haut Conseil de l'évaluation de la recherche")... Des agriculteurs ont aussi récemment construit des murs devant trois agences françaises dont l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).
La numérisation des savoirs entraîne aussi des dangers, entre marchandisation au service des intérêts des géants du numérique et prise de contrôle par les pouvoirs politiques (Trump toujours qui décide de l'effacement massif de données publiques...).
Aux Etats-Unis d'Amérique
Le Monde dresse un tableau des attaques envisagées :
Budget coupé, données supprimées, scientifiques licenciés : la guerre contre la recherche aux USA. France Culture en débat avec plusieurs chercheurs.
Le 7 mars, l'action Stand Up For Science a mobilisé largement les scientifiques devant le Lincoln Memorial à Washington et dans 31 autres villes des États-Unis, en France dans 10 villes, en solidarité mais aussi par rapport aux problèmes français.
Une structuration de la rébellion avant Trump et partout dans le monde
Le site international Scientists Rebellion a été créé dès février 2020, proche du mouvement "Extinction Rebellion", notamment de son action contre le dérèglement climatique par le biais de la désobéissance civile. Le mouvement français Scientifiques en rebellion en est l'émanation (cette association fait partie de la coalition HIATUS dont nous sommes membres).
Même si beaucoup de chercheurs américains sont actuellement désemparés face à la violence des attaques (certains cherchant des replis à l'étranger), outre celle du 7 mars d'autres coalitions devraient émerger prochainement.
Déclaration de Scientifiques en rébellion du 18 mars 2025 :
"Le pouvoir en place montre sa volonté de faire disparaître des pans entiers de savoirs"
Pour fédérer la riposte aux attaques de Trump et Musk, des dizaines de milliers de scientifiques se mobilisent sous la bannière Stand up for science. En France, le collectif Scientifiques en rébellion appelle à "entrer ensemble en résistance".
Contre l’obscurantisme d’extrême-droite, aux États-Unis comme ailleurs, nous défendons une science inclusive, au service du bien commun.
Scientifiques en rébellion affirme sa solidarité avec la campagne "Stand Up for Science" lancée aux USA et condamne les violentes attaques contre les universitaires et chercheur·euses et contre plusieurs agences fédérales scientifiques, médicales, humanitaires et environnementales menée par le tandem Donald Trump – Elon Musk aux États-Unis.
L’histoire nous rappelle que l’obscurantisme est un outil stratégique des régimes d’extrême-droite, qui muselle l’expression de l’esprit critique et bride l’autonomie des communautés scientifiques et intellectuelles (journalisme, enseignement, art, militantisme, syndicalisme…). C’est le danger que représentent ces régimes qui avait déjà amené notre collectif à se mobiliser lors de la campagne des législatives de 2024 en France.
Aux États-Unis, le pouvoir en place montre sa volonté de faire disparaître des pans entiers de savoirs, de museler certains domaines scientifiques et de dénaturer les faits jusqu’à les ré-écrire. Cela passe par l’effacement de données, un lexique de termes proscrits pour toute demande de financement de projets de recherche, l’interdiction pour les collègues d’accéder à leurs bureaux et de communiquer avec des collaborateur·rices d’autres pays et avec les media, ou encore l’incitation à la dénonciation des collègues qui ne se plient pas aux diktats. En bref, la mise au pas d’instituts de recherche, d’enseignement, de santé et autres organismes publics.
Offensives contre les institutions scientifiques en France
En France, les offensives contre les chercheur·euses et les institutions scientifiques, souvent alimentées par le gouvernement lui-même, se multiplient. Elles sont à ce stade moins spectaculaires mais procèdent d’une logique similaire et se déploient avec une violence d’autant plus déstabilisante qu’elle est plus sournoise : menaces sur l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) pour ne citer qu’eux, reculs multiples sur les normes environnementales et de santé, disqualification des universités, interdiction d’évènements académiques destinés à éclairer le contexte de la guerre à Gaza...
Comme toutes les formes de violences, ces attaques nous éloignent d’une société apaisée et lucide, apte à débattre de manière constructive et éclairée, et capable de se mobiliser pour relever les défis qui permettront de maintenir une planète vivable pour toutes et tous.
Le récit obscurantiste d’extrême-droite parvient malheureusement aujourd’hui à séduire à partir d’une recette nauséabonde, déjà éprouvée dans l’histoire :
1. Valorisation de la soumission à un pouvoir autoritaire,
2. Discriminations des minorités et rejet de tous les mouvements d’entraide, de solidarité et d’inclusion,
3. Négationnisme scientifique et criminalisation des lanceur·euses d’alerte – écologistes, scientifiques, féministes, etc.,
4. Déni de l’action anthropique dans le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité, allié à un techno-solutionnisme dystopique, destiné à préserver les intérêts économiques court-termistes d’une oligarchie.
"Garantir notre capacité à produire des connaissances"
Scientifiques en rébellion revendique la nécessité pour nos sociétés de mobiliser des connaissances scientifiques plurielles, pour comprendre et accompagner avec prudence, précaution et humilité les transformations majeures et inédites que nous devons dès maintenant engager. Nous défendons avec force le dialogue entre sciences et société et refusons de nous laisser réduire à la caricature d’une caste de scientifiques arc-boutée sur un privilège symbolique et matériel menacé.
Pour cela, en tant que scientifiques, il nous faut interagir plus et mieux avec la société civile, pour allier justice sociale et respect des limites planétaires et du vivant, en nous démarquant résolument des intérêts misanthropiques et écocidaires de quelques milliardaires de la tech, de l’agro-industrie ou du luxe… Ceux-ci ont des noms. Aux États-Unis, on trouve Elon Musk et d’autres patrons des GAFAM rangés derrière Donald Trump. En France, l’ambiance plus feutrée ne saurait dissimuler la menace. Elle est portée par un Vincent Bolloré ou un Pierre-Édouard Stérin, et par leurs soutiens politiques, qu’ils appartiennent à l’extrême-droite d’opposition comme Jordan Bardella, à ce qu’on peut qualifier d’extrême-droite de gouvernement comme Bruno Retailleau, ou encore aux libéraux de droite autoritaire comme Emmanuel Macron.
Solidaires des scientifiques états-unien·nes et de toutes les personnes attaquées par un ordre néo-fasciste, nous appelons toutes les communautés scientifiques et celles qui les environnent (syndicats, établissements publics scientifiques, etc.) à entrer ensemble en résistance, pour garantir notre capacité à produire des connaissances, pour et en tant que bien commun, et endiguer la peste obscurantiste.
Scientifiques en rébellion