Plusieurs textes, européens comme français, prétendent protéger nos enfants en ligne. Sauf que ces protections sont souvent illusoires, voire carrément une atteinte aux droits sur la protection des données personnelles !
Trois exemples :
Loi française contre le "sharenting"
Le député Renaissance Bruno Studer a déposé une proposition de loi (qui doit encore être adoptée par le Sénat) pour lutter contre le sharenting, contraction de deux mots anglais sharing (partager) et parenting (parentalité).
Une avocate en avait fait une analyse approfondie en 2021, en soulignant les risques de surexposition de l’enfant, voire à sa mise en scène à des fins commerciales, notamment pour des enfants dits "influenceurs", soit une vraie exploitation de l'enfant au profit principal des parents, comme cela existe pour des enfants "stars", à Hollywood et ailleurs.
Comme souvent désormais le texte fait l'amalgame avec la pédopornographie (50 % des photographies qui s’échangent sur les forums spécialisés auraient été initialement été publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux : donnée quasi invérifiable) et le harcèlement scolaire. Mais il n'y apporte pas de réponses concrêtes.
L'avocate présentait le cadre juridique, amélioré en 2021 et renforcé par des jurisprudences. Le nouveau texte, très moralisateur mais sans apport juridique supplémentaire, réaffirme que "la protection de la vie privée est une des missions des parents en tant que détenteurs de l’autorité parentale pour l’exercice de laquelle ils doivent associer évidemment l’enfant"...
Gesticulation utile, vraiment ?
Majorité à 15 ans pour s'abonner à un réseau social
La “majorité numérique” à 15 ans est déjà en vigueur en France depuis 2018 (incluse dans la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles). C'est aussi celui de la majorité sexuelle où l'on estime qu'un individu est en mesure de prendre des décisions raisonnées, et correspond à la période où il passe du collège au lycée.
Mais il semble que l'inscription sur les réseaux sociaux n'en tienne pas compte : la CNIL note même que la première inscription intervient en moyenne vers 8 ans et demi, et plus de la moitié des 10-14 ans sont inscrits sur au moins un réseau social.
Le nouveau texte (à confirmer au Sénat) exige donc l'accord parental pour s'inscrire sur TikTok, Instagram ... si on a moins de 15 ans, que pour les plateformes dûment "labellisées par l'État".
On voit bien là un premier écueil : dans une logique purement protectrice pour les groupes européens (mais pas spécialement pour les enfants), la Commission Européenne (et son omnipotent commissaire "au marché intérieur", Thierry Breton, ex PDG d'Orange et d'Atos...) a imposé une définition des réseaux sociaux dans le Digital Markets Act (DMA). Tik-Tok, groupe chinois, est bien sûr suspecté car dans le viseur des américains, quand Instagram, Facebook seraient jugés plus bénins...
Deuxième écueil : la vérification de l'âge de celui ou celle qui veut s'inscrire derrière son écran. La CNIL approuve l'utilisation de la reconnaissance faciale, les traits étant analysés par une intelligence artificielle afin d'estimer l'âge ! Elle ne se prononce pas sur les risques de faux positifs et faux négatifs, qui pourraient créer des dangers et discriminations... Sa présidente avoue que “ces solutions auront certes du mal à distinguer une personne de 17 ans d’une autre de 19 ans, mais elles peuvent distinguer un enfant de 13 ans d’un adulte de 20 ans.”
Le gouvernement veut, lui, tester dès ce mois une vérification par la carte bancaire, du coup obligatoire, qui pourrait ne pas être débitée, ou d'un montant d'un euro...
Logique de protection, ou mercantile (la carte bleue servira pour d'autres choses) et de pistage tous azimuts ?
Règlement européen pour protéger les enfants contre les abus sexuels
Le Parlement européen discute actuellement d'un règlement qui promet de protéger les enfants contre les abus sexuels en cassant les communications cryptées et sécurisées.
Mais les experts montrent que briser le cryptage transformera Internet en un espace dangereux pour la vie privée, la sécurité et la liberté d'expression de chacun, notamment pour les enfants !
Les Nations Unies et l'UNICEF déclarent que la confidentialité en ligne est vitale pour le développement et l'expression de soi des jeunes, et que les enfants ne doivent pas être soumis à une surveillance généralisée.
Le Royal College of Psychiatrists du Royaume-Uni souligne que l'espionnage est nocif pour les enfants et que les politiques basées sur l'autonomisation et l'éducation sont plus efficaces.
La proposition de règlement nuirait également aux lanceurs d'alerte, aux militants de l'opposition politique, aux syndicats, aux personnes cherchant à se faire avorter dans des endroits où il est criminalisé, à la liberté des médias, aux groupes marginalisés et bien d'autres.
124 ONG en appellent au Parlement européen pour s'opposer à cette loi !
SIGNEZ LA PETITION (sur le site de L'EDRI, European Digital Rights, association d'organisations de défense des droits civils et humains de toute l'Europe. La Quadrature du Net en est l'un des membres)
Et n'oublions pas que les vrais dangers pour les enfants sont les ondes, les écrans et la "guerre de l'attention". Or aucun de ces textes n'effleure ces sujets ...
Une réponse sur « Protection des enfants : com, menaces pour leurs libertés et vrais dangers ailleurs »
[…] Informatique et Libertés (CNIL) s'est révélée en dessous de tout (comme récemment sur le projet de vérification par reconnaissance faciale de l'âge des adolescent·es pour s'inscrire sur …). Cette institution, qui dispose de pouvoirs légaux pour mesurer les velléités étatiques de […]