LOPMJ, l’activation par la police des appareils électroniques en partie censurée

Le 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel a censuré l’article de la loi de programmation de la justice (LOPMJ) adoptée en octobre dernier, qui autorisait les forces de l’ordre à activer, à distance, les caméras et les microphones de tout dispositif connecté.

Nous avions fait un article sur cette loi en juillet, au moment de sa discussion puis de sa validation par le Sénat et l'Assemblée Nationale, avant son passage devant la commission mixte paritaire en octobre qui l'a définitivement entérinée.

La loi prévoyait de donner à la police la possibilité de géolocaliser une voiture en temps réel à partir de son système informatique, d'écouter et enregistrer tout ce qui se dit autour du micro d’un téléphone même sans appel en cours, ou encore d’activer la caméra d’un ordinateur pour filmer ce qui est dans le champ de l’objectif, même si elle n’est pas allumée par son propriétaire. Et cela dans tout un tas d'enquêtes et d'instructions, y compris pour les petits cas de "délinquance " ou de "criminalité organisée".

L'Observatoire des libertés et du numérique (qui regroupe entre autres La LDHLa Quadrature du NetLe Syndicat des Avocats de FranceLe Syndicat de la Magistrature) avait sorti un communiqué critiquant cette loi le 31 mai 2023.

Le Conseil Constitutionnel a censuré l'article qui permettait cette activation à distance, la jugeant « de nature à porter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée dans la mesure où elle permet l’enregistrement, dans tout lieu où l’appareil connecté détenu par une personne privée peut se trouver, y compris des lieux d’habitation, de paroles et d’images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers »

Cependant il ne l'a censuré qu'en raison de « son champ d’application trop large ». Le Conseil constitutionnel ne s'est donc pas complètement au principe d'activation à distance des microphones et caméras des appareils connectés et s’est dit prêt à revoir à nouveau ce projet de loi corrigé.

De plus, il a validé la disposition permettant aux policiers, sur l'autorisation d’un magistrat, d'activer un appareil afin d’obtenir la géolocalisation en temps réel d’une personne suspectée d’un crime ou d’un délit puni d’au moins cinq années de prison.

Une censure partielle donc, qui laisse en réalité la porte ouverte à cette nouvelle forme de surveillance particulièrement intrusive.

Il est fort probable que ce projet de loi revienne en légalisant l’activation des micros et des caméras des appareils connectés pour les affaires de crime ou de gros délits, mais aussi pour les individus suspectés de terrorisme.

Or, la définition de ce qui relève ou non du terrorisme est en ce moment de plus en plus flou sur le plan politique...

Les Soulèvements de la Terre sont déjà qualifiés d’éco-terroristes.

Le 3 octobre dernier a débuté le procès de l'affaire dit "du 8 décembre", un procès politique digne de l'affaire Tarnac.

Dans ce procès en cours d'instruction, sept militants dits de "l'ultragauche"sont accusés d’association de malfaiteurs terroriste sur des bases plus que fragiles, sans preuve matérielle et risquent jusqu'à 6 ans de prison. Le délibéré sera rendu le 22 décembre.

À travers cette affaire et celle des Soulèvements de la Terre, nous voyons se concrétiser de plus en plus la fabrication politique dangereuse d'un ennemi intérieur, que nous dénoncions déjà dans cette émission de la Machine à découdre.

Si ce glissement sémantique devait se concrétiser sur le plan législatif, une période bien plus sombre pourrait s'ouvrir pour la lutte politique...