Pourquoi nos assocations ne participent pas à la consultation de l'ANSES sur les liens entre radiofréquences et cancers ?

COMMUNIQUÉ

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a lancé le 24 septembre 2024 une consultation publique sur son rapport préliminaire concernant les liens entre radiofréquences et cancer. Cette consultation, ouverte jusqu’au 25 novembre 2024, invite les parties prenantes à commenter les conclusions provisoires de l’agence.

Dans ce pré-rapport, l’ANSES conclut à la page 339 :

"Quels que soient la localisation tumorale ou les systèmes biologiques analysés dans le présent rapport, les données disponibles ne permettent pas de conclure à l’existence ou à l’absence d’effets cancérogènes. Cette réponse s’applique également à la question globale d’un effet cancérogène chez l’humain."

Cette position marque un recul significatif par rapport au classement de 2011 du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui avait catégorisé les ondes radiofréquences comme "cancérogènes possibles" (Groupe 2B).

Le rapport de l’ANSES inclut une position minoritaire exprimée par le Pr Gérard Ledoigt, expert en biologie végétale. Contrairement à la conclusion générale, le Pr Ledoigt considère que les radiofréquences ont un effet possible sur la cancérogenèse chez l’humain, en particulier concernant les effets sur le cerveau.

Dans l’annexe 3 du rapport, le Pr Ledoigt conclut :

"Globalement, les radiofréquences ont un effet possible sur la cancérogenèse chez l’humain".

Cette conclusion importante ne devrait pas être reléguée en annexe, mais figurer dans le corps principal du rapport pour refléter la diversité des opinions scientifiques.

L’inclusion de cette unique position divergente en annexe, plutôt que dans le rapport principal, souligne le manque de pluralité dans l’analyse proposée. Cette approche a été critiquée par le comité scientifique de l’ANSES lui-même, qui a pointé du doigt "l’absence de pluralité des opinions scientifiques" au sein des groupes de travail dans un communiqué du 15 octobre 2021. Cette situation, relevée entre-autres par NextInpact le 18 octobre 2021, soulève des questions légitimes sur la représentativité et l’exhaustivité de l’analyse des liens entre radiofréquences et cancer.

En 2023, six associations (Alerte Phonegate, AZB, CRIIREM, Robin des toits, Santé-Environnement, SERA) ont suspendu leur participation au Comité de dialogue de l’ANSES. Cette décision collective fait suite à de nombreux désaccords sur le fonctionnement de ce comité et le manque de prise en compte des préoccupations des associations.

Ce départ massif souligne les dysfonctionnements profonds dans la manière dont l’ANSES gère le dialogue avec les parties prenantes et prend en compte les alertes de la société civile. Il témoigne de l’impossibilité d’établir un véritable échange constructif sur les enjeux sanitaires liés aux radiofréquences.

Cette rupture du dialogue renforce notre conviction que la consultation publique actuelle ne peut aboutir à une évaluation impartiale et transparente des risques. Elle s’inscrit dans un contexte plus large de défiance envers les méthodes de travail de l’agence sur le sujet des radiofréquences.

Alerte Phonegate conteste déjà au Tribunal administratif la précédente consultation publique de l’ANSES sur la 5G, que nous considérons comme un simulacre de démocratie participative. Cette action en justice, engagée en 2022, vise à faire annuler l’avis de l’ANSES sur la 5G. Nous estimons que ce processus de consultation publique est volontairement biaisé et ne permet donc pas un véritable débat scientifique.

L’ANSES semble utiliser ces consultations comme un outil de légitimation de conclusions préétablies, plutôt que comme un réel moyen d’enrichir son expertise. Cette nouvelle consultation sur les radiofréquences et le cancer s’inscrit dans la continuité de pratiques que nous jugeons inacceptables.

Elle ne fait que renforcer notre conviction que l’ANSES n’est plus en mesure depuis 2020 de garantir une évaluation impartiale et transparente des risques sanitaires liés aux radiofréquences.

Face à ces conclusions, Alerte Phonegate, l’Association pour la Recherche Thérapeutique Anticancéreuse (ARTAC), l’Association Santé Environnement France (ASEF), l’Association Zone Blanche (AZB) et l’association Santé Environnement en Auvergne-Rhone-Alpes (SERA) ont décidé de ne pas participer à cette consultation publique. Nos associations estiment que la démarche de l’ANSES est biaisée et ne permettra pas un véritable débat scientifique sur les risques sanitaires liés aux radiofréquences.

Le pré-rapport ignore délibérément des études scientifiques majeures démontrant les effets cancérogènes des ondes de la téléphonie mobile. Cette sélection partiale des données ne peut aboutir qu’à des conclusions erronées minimisant les risques pour la santé publique.

Nous dénonçons aussi depuis longtemps les liens étroits entre certains experts de l’ANSES et l’industrie des télécommunications. Malgré nos alertes répétées, l’agence n’a pas pris les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance de ses travaux.

Cette situation est illustrée par l’événement organisé conjointement par l’ANSES et l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) en 2022 à Paris, intitulé "Radiofréquences et santé : état des connaissances et perspectives". Comme nous l’avions souligné dans un précédent communiqué, cet événement a réuni des experts dont l’indépendance est questionnable, certains ayant des liens avérés avec l’industrie des télécommunications.

Plus récemment, notre communiqué du 19 septembre 2024 a confirmé nos craintes au travers des problèmes méthodologiques et des conflits d’intérêts potentiels dans une étude récente de l’OMS sur l’utilisation du téléphone portable et le risque de tumeur cérébrale.

Cette étude, qui conclut à l’absence de risque accru, soulève de sérieuses questions quant à son impartialité et sa rigueur scientifique. Ces exemples renforcent notre conviction que l’évaluation des risques liés aux radiofréquences est compromise par des conflits d’intérêts persistants. Une consultation publique ne saurait légitimer des conclusions biaisées dès l’origine par ces conflits d’intérêts.

Alors que le scandale du Phonegate a révélé le dépassement massif des normes d’exposition par de nombreux téléphones portables, l’ANSES semble vouloir ignorer cette réalité dans ses évaluations récentes.

Cette omission volontaire d’un problème sanitaire majeur discrédite l’ensemble de la démarche. Il est particulièrement choquant de constater que sur les dizaines de pages consacrées à la dosimétrie dans ce pré-rapport, aucune mention n’est faite des deux rapports cruciaux de l’ANSES publiés en 2016 et 2019.

Ces rapports, pourtant produits par l’agence elle-même, sont à l’origine de la révélation du scandale du Phonegate. Cette absence délibérée de référence à des travaux antérieurs de l’ANSES sur un sujet aussi crucial soulève de sérieuses questions sur l’intégrité et l’exhaustivité de l’analyse présentée.

Pour rappel, l’ANSES, dans son rapport de 2019, soulignait l’absence d’études sur l’humain concernant les effets biologiques ou sanitaires liés à des expositions à des DAS supérieurs à 2 W/kg. Le rapport indiquait que les données obtenues portaient exclusivement sur des études expérimentales réalisées in vitro ou in vivo chez l’animal, à l’exception d’une étude chez l’humain non retenue en raison d’importantes limites méthodologiques.

Quelle caution porter à ce nouveau rapport qui fait l’impasse sur ces dépassements de normes et leurs conséquences potentielles en termes de santé publique ? En effet, cette omission délibérée des propres conclusions de l’ANSES sur le Phonegate démontre un manque flagrant de cohérence et de transparence dans l’évaluation des risques liés aux radiofréquences.

Pour le Dr Marc Arazi, président de l’ONG Alerte Phonegate :

"Face à ces manquements, nous appelons à la mise en place d’un véritable débat scientifique contradictoire, ouvert et transparent. Seule une expertise véritablement indépendante, prenant en compte l’ensemble des données disponibles, permettra d’évaluer objectivement les risques sanitaires liés aux radiofréquences."

Nos associations restent mobilisées pour faire toute la lumière sur les dangers de la téléphonie mobile et défendre la santé des utilisateurs. Nous continuerons d’alerter les pouvoirs publics et les citoyens sur cet important enjeu de santé publique.