Combat pour rétablir/maintenir un accès non numérique aux services publics : victoire en Wallonie

Depuis deux ans, en Belgique francophone (Wallonie et Bruxelles) mais aussi en Flandre, une campagne "L'humain d'abord" ( voir article Nous voulons des guichets...) est engagée pour défendre un accès non numérique aux services "essentiels" (services publics, mais aussi certains privés : bancaires, ...).

* cette municipalité a voté, en octobre 2023, une délibération "en faveur d'un droit au non-numérique dans l'accès aux services publics municipaux"

Concrêtement, il s'agit d'obtenir le maintien ou le retour de guichets physiques, d'accueils téléphoniques sans robots conversationnels, avec des humains compétents capables de répondre et, au besoin, de décider en fonction de notre demande plutôt que d'appuyer sur des boutons.

Dans la région Wallone (sud francophone de la Belgique qui compte 3,7 millions d'habitant.es), les associations viennent d'obtenir le 20 novembre l'intégration de deux articles dans un "décret relatif à la simplification administrative et aux communications par voie électronique entre les usagers et les autorités publiques wallonnes" :

  • Article 2 : "Personne n’est contraint de poser un acte ou de communiquer avec l’autorité publique par voie électronique sauf lorsque l’autorité publique peut se prévaloir d’une exception légale ou décrétale contraire démontrant que le résultat escompté d’une démarche ne peut en aucun cas être atteint si elle devait être réalisée par la voie papier. L’autorité publique doit maintenir et garantir le développement de moyen de communication hors ligne conformément à l’article 13."
  • Article 13 : "3° la possibilité de réaliser les démarches administratives ou les communications autrement qu’en ligne en prévoyant pour ses usagers un accueil physique, un service téléphonique et un contact par voie postale."

Le problème n'est pas que belge : il résulte d'une stratégie européenne, le programme décennie numérique. Celui-ci prévoit la Numérisation des services publics, avec des objectifs très concrêts que tous les pays adhérant à l'UE devront atteindre en 2030 :

  • Identité numérique : 100 % des citoyens doivent posséder une identité numérique.
  • Services publics clés : 100 % de ces services doivent être accessibles en ligne.
  • Santé : 100 % des citoyens doivent avoir accès à leurs dossiers médicaux en ligne.

D'ailleurs, les mêmes collectifs belges, soutenus par diverses organisations européennes de défense des droits (EDRi European Digital Rights ; ATD Quart Monde ; ENAR European Network Against Racism ...) ont initié une lettre ouverte européenne Tout le monde doit avoir accès aux services essentiels,sans passer nécessairement par le numérique, signée à ce jour par plus de 500 organisations et universitaires de toute l'Europe (dont 66 associations et 33 universitaires français.es).

Dès septembre 2022, à l'appel d'une association très implantée dans les régions francophones (Lire et Écrire Bruxelles), soutenue par bien d'autres, des "files géantes" étaient organisées, puis plusieurs manifestations (dont celle-ci d'avril 2023) :

Mais les povoirs publics mis sous pression n'avaient jusque-là que manifesté leur bonne volonté sans engagement législatif. C'est chose faite avec ce nouveau décret qui va permettre de revendiquer la mise en place de dispositifs adaptés, de formation des agents...

Ci-dessous communiqué des organisations belges :

Beaucoup d'associations et d'habitant.es sont demandeu.ses (voir lettre ouverte), des politiques (de gauche) tentent d'intégrer ces principes dans la loi :

Sous l'impultion de La France Insoumise (particulièrement de Danièle Obono, site Rouvrez nos services publics), la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES) a fait adopter le 30 novembre 2023 par l'Assemblée nationale, en première lecture, la proposition de loi visant à garantir un accueil physique, et pas uniquement numérique, pour les usagers des services publics.

Présentation par Danièle Obono

Pour eux, "depuis près de trente ans, la modernisation du service public est la béquille des politiques néolibérales de destruction des services publics qui se parent des atours de la dématérialisation et du numérique pour défendre l’amélioration et l’efficacité de ces services". Ils considèrent que la numérisation des services publics conduit à des ruptures d'accès aux droits pour une partie des usagers, à la quasi-impossibilité de contester une suspension de droits auprès des agents ou encore à l’augmentation des délais de traitement des dossiers qui accroissent les difficultés financières, sanitaires ou d’insertion des personnes qui les subissent.

Sur un plan local, la mairie de Villeurbanne (qui nous accueille le 18 janvier, voir plus haut) a pris en octobre 2023 une délibération en faveur d'un droit au non-numérique dans l'accès au service public municipal.

D'autres pays s'engagent aussi pour défendre des droits humains numériques

  • en Suisse le Grand Conseil de la République et du canton de Genève a voté une Loi constitutionnelle "Pour une protection forte de l’individu dans l’espace numérique"
  • En Allemagne le collectif Digital Courage engage un travail contre la coercition numérique, en s'appuyant sur la Loi fondamentale allemande (leur constitution). Il veut aussi s'engager pour la protection contre la violence numérique (harcèlement numérique, violence sexuelle basée sur l’image et vol d’identité et de données).

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