Nous avons relayé sur ce site plusieurs témoignages et actions (notamment la manifestation à laquelle nous avons participé à Mazeyrat d'Allier (43) en soutien à un éleveur victime d'une antenne-relais en 2022). L'absence de réponse des pouvoirs publics, d'EDF et des différents pollueurs est semblable à celle que connaissent les humains eux aussi victimes.
Ci-dessous nous reprenons des extraits d'un article de Reporterre qui fait une synthèse sur la question et une déclaration que nous avons produite sur le sujet.
Depuis plus de 30 ans (d'après le rapport d'une mission ministérielle), des éleveurs de toute la France déplorent la dégradation soudaine de la santé de leurs troupeaux, juste après l’installation d’équipements électriques à proximité de leur ferme : lignes à haute tension (LHT), antennes relais et éoliennes. En cause : les champs électromagnétiques et les courants électriques parasites générés par ces appareils.
Les indices sont multiples : pertes d’appétit, infections, comportements apeurés, baisse de production laitière, problèmes de reproduction, voire mortalité accrue... Pour Anne Boudon, chercheuse à l’INRAE, "un humain électrosensible peut verbaliser son mal-être, ce qui ne pourrait pas être le cas de l’animal qui ne comprend pas ce qui lui arrive".
Des expertises défaillantes
Comme pour les humains, l'ANSES (agence nationale, sous la tutelle des ministères de la santé, de l’environnement, de l’agriculture, et du travail), prise dans les jeux d'intérêt des industriels et de l'Etat, se révèle incapable de trancher en faveur des victimes : "Il reste difficile de se prononcer quant aux effets sanitaires directs des CEM-EBF [champs électromagnétiques d’extrêmement basse fréquence] sur les animaux d’élevage, ceci d’autant plus que leurs mécanismes d’action ne sont pas encore identifiés", d'après un rapport de 2015.
Le rapport de l'Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST, en 2021), comme ce colloque à l'Académie d'Agriculture de France (en 2022) et le Rapport de mission ministérielle de l’Agriculture (2023) concluent tous que "la recherche est désarmée". L'INRAE résume : "à ce jour, la question reste quasiment vierge d’études scientifiques rigoureuses et de résultats débouchant sur des liens de causalité entre infrastructures électriques collectives et santé des élevages".
Un combat inégal, mais qui peut être victorieux
Mais la mauvaise volonté des acteurs est manifeste : en tribunal administratif à Clermont-Ferrand, l'éleveur de Mazeyrat d'Allier, avait obtenu l'arrêt d'émission de l'antenne incriminée pendant 2 mois pour procéder à une expertise, annulé in fine par le Conseil d'Etat !
Cependant, certains éleveurs obtiennent des victoires significatives, comme Dominique Vaupres devant la cour d’appel de Caen le 29 octobre 2024, qui a confirmé la condamnation du Réseau de Transport Electrique (RTE, filiale d'EDF) à 444 417 € au titre du préjudice d’exploitation pour pertes de production laitière, pertes de qualité du lait, surcoût de frais vétérinaires et temps supplémentaires liés aux soins apportés aux vaches malades.
Dans son combat (commencé dès 1991 !), cet éleveur a notamment été soutenu par l'ANAST (Association Nationale Animaux Sous Tension).

Quelques explications
Les phénomènes électriques non désirés — ce qu’on appelle les courants parasites — peuvent être provoqués par des Lignes à Haute Tension ou des éoliennes, comme l’explique le GPSE (Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole), de deux manières :
- par induction : un champ électrique ou un champ magnétique, généré par une ligne électrique, peut créer un courant dans un matériau conducteur situé à proximité, un abreuvoir métallique par exemple.
- via la prise de terre : celle-ci est une sécurité qui permet d’évacuer le courant dans le sol en cas de défaut dans toute installation électrique. Mais cela peut créer un courant vagabond dans le sol, voire interagir avec les prises de terre d’autres appareils dans une ferme à proximité. Autrement dit, ce courant évacué dans le sol peut revenir toucher des animaux à proximité.

© Antoine Dagan / Reporterre
Les vaches sont particulièrement vulnérables à ces courants parasites car leur corps est beaucoup moins résistant que d’autres espèces aux courants électriques : cette résistance (en ohms) pour les bovins est estimée à plusieurs dizaines de fois moindre que celle des volailles, et jusqu’à dix fois moindre que celle des humains.
Une vache qui s’abreuve peut ainsi facilement être traversée par un courant parasite présent dans l’abreuvoir. Et même sans contact avec une surface conductrice, un courant parasite présent dans le sol peut passer entre les pattes de l’animal, créant ce que l’on nomme une "tension de pas".

© Antoine Dagan / Reporterre
"Il peut y avoir beaucoup de courants de fuite sur une installation agricole, c’est-à-dire provoqués par des appareils électriques mal reliés à la terre. C’est un problème multifactoriel très complexe", pointe Anne Boudon, chercheuse à l’Inrae, qui travaille sur ces courants parasites. Dans le cas des éoliennes, des agriculteurs peuvent témoigner d’une corrélation forte entre les moments où les éoliennes fonctionnent et le mal-être de leurs animaux. Mais "il n’y a jamais deux fermes identiques. Même si elles sont à la même distance d’une éolienne, il faut regarder où passe la ligne haute tension enterrée, prendre en compte la nature du sol, son taux d’humidité, la présence potentielle d’une rivière souterraine, très conductrice pour l’électricité", liste Bruno Beillard, maître de conférence à l’université de Limoges et fondateur d’une entreprise d’expertise auprès des agriculteurs sur ces enjeux.
Les fréquences électriques des courants que l’on retrouve dans une ferme sont de plus en plus nombreuses, sans que l’on sache identifier ni leur provenance ni la sensibilité des bovins à chacune de ces fréquences. "Le réseau français est à 50 hertz (Hz) mais on mesure tous types de fréquences, de 0 Hz à 2 kHz. Suivant la vitesse du vent, les pales d’une éolienne vont générer une fréquence variable. Ensuite, le convertisseur passe tout ça en courant continu, puis le transformateur le repasse en 50 Hz pour le connecter au réseau. Et tous ces courants peuvent générer différents champs électromagnétiques", dit encore Bruno Beillard.
Le projet AgroE2 (Agronomie et Énergie respectueuse de l’Environnement, coordonné par L'INRAE), lancé en 2024 et financé par l’Ademe, doit notamment mesurer en conditions contrôlées l’effet des courants générés par les éoliennes sur les bovins. Les résultats sont attendus pour 2027.
Action collective
Manifestation à la ferme de Mazeyras le 9 octobre 2022 pour s'opposer à une antenne
Cette manifestation a réuni environ 500 personnes (d'après France 3), des paysans très concernés (dont l'Anast), de diverses associations représentant des électro-sensibles (Robin des toits et Ondes citoyennes [63], co-organisateurs, AZB, Ly'ondes, collectif Santé Sail environnement…), des collectifs Stop Linky 5G (Haute-Loire, Loire…) et beaucoup d'individus, dont des électro-sensibles de la région.