Pétition contre la loi Duplomb : victoire contre les néonicotinoïdes


Le Conseil Constitutionnel a donc censuré le retour des insecticides tueurs d’abeilles (dont l’acétamipride) dans la loi Duplomb. Mais pas les autres dispositions comme celles favorisant la construction de mégabassines, l’élevage industriel... La pétition déposée par Eléonore P signée par plus de 2,1 millions de citoyen.nes aura donc obligé le pouvoir à ce recul, mais pas à la rediscussion de cette loi promue au seul bénéfice des agro-industriels.

Le divorce entre le système politico-économique aux vues réactionnaires et seulement liées aux intérêts de quelques uns, et le peuple, plus conscient des vrais enjeux climatiques, sociaux, reste entier...

Des juristes veulent voir dans cette décision le renforcement du principe constitutionnel de la protection de l’environnement. En effet, l'argumentaire de cette censure retient la Charte de l’environnement, intégrée depuis 2005 dans la Constitution : "Le législateur, en permettant de déroger […] à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement". Progrès "historique" ? A voir...

Par ailleurs, sans être censuré, l'article 5, destiné à faciliter la construction de mégabassines, suscite des "réserves d’interprétation". Les prélèvements d’eau pour ces stockages ne peuvent se faire dans les nappes dites "inertielles" [nappes souterraines longues à se recharger ou à se vider], et la "raison impérative d’intérêt général majeur" mentionnée dans cette loi peut être contestée devant les tribunaux.

Comme analysée par le site Basta! (décryptage complet par ce lien), cette loi est un concentré de régressions environnementales :

Pour son élaboration et son vote, c’est l’alliance de l'agro business et d'élu.es inféodé.es qui apparaît au grand jour. Deux exemples des collusions :

  • Laurent Duplomb, auteur de la loi (sénateur de Haute-Loire, ancien responsable des Jeunes Agriculteurs de Haute-Loire, puis élu FNSEA et président du groupe laitier Sodiaal...), déclare ainsi (Complément d'enquête) : "quand la FNSEA me propose des amendements qui sont bien rédigés et qui vont dans le sens de mes convictions et de mes attentes, je les défends". Une loi entière déjà écrite par la FNSEA ne lui fait pas peur...
  • Arnaud Rousseau, président de la FNSEA ... et du groupe Avril (producteur d'oléagineux). Sur la pétition, son chantage : "Seriez-vous prêts à signer une pétition contre les 50 % d’aliments que nous consommons en France et qui sont importés sans respecter nos règles ? […] Voulez-vous, oui ou non, une agriculture souveraine en France ?". Mais, comme l'a dit à l'Assemblée Fleur Breteau (atteinte d'un cancer), "on n’a pas à m’imposer la maladie pour la seule souveraineté alimentaire".

Cette loi a fait l’objet d’une manoeuvre bien peu démocratique à l'Assemblée (motion de rejet préalable par le rapporteur LR pour éviter tout débat). Elle a été adoptée le 8 juillet par les groupes RN, UDR [Ciotti], LR et Renaissance [groupe où il y a quand même eu 33 contre] et malgré l'opposition unie de la gauche. A noter qu'un certain nombre d'élus de cette droite l'ont été grâce à des voix de gauche qui voulaient faire barrage au RN. Mais cela n'a pas l'air de les engager...

"Aujourd’hui je suis seule à écrire, mais non seule à le penser", présage à la fin de sa courte pétition Éléonore Paterry, étudiante de 23 ans inconnue du grand public. Déposée le 10 juillet sur le site de l’Assemblée nationale, cette jeune femme dénonce cette loi comme "une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire".

Ce succès fulgurant (voir graphique jusqu'au 21/7) montre combien elle concentre des préoccupations environnementales et sanitaires qui débordent les traditionnelles sphères écologistes, paysannes ou associatives.

Alors que la population s’alarme, ainsi que les médecins et scientifiques, de la multiplication des cancers (430 000 malades de plus chaque année en France) et de la détérioration de notre environnement, le sentiment se répand que ceux qui légifèrent sur notre vie et l’avenir des générations à venir ne représentent qu’une minorité d’intérêts, celle de l’agrobusiness et des géants de la chimie.

D'autant que, dans le même temps, le gouvernement Bayrou veut réduire la prise en charge des affections de longue durée (et moins rembourser les médicaments...), ce qui témoigne du mépris des centaines de milliers de personnes qui en sont atteintes, a fortiori lorsque le lien avec l’environnement dans lequel elles vivent ou ont grandi est avéré.

Cette loi doit d'abord subir la vérification de son respect de la constitution. Dès le 21 juillet, le constitutionnaliste Dominique Rousseau dénoncait le "détournement de procédure manifeste" à l’œuvre avec cette loi Duplomb. Cela "porte atteinte à un principe garanti par la Constitution : la clarté et la sincérité du débat parlementaire". Cela pourrait aboutir à un rejet total ou partiel du texte par le Conseil constitutionnel, saisi par les groupes de La France insoumise, des Écologistes et du Parti socialiste, d’ici au 11 août.

Suite à cet avis, le président de la République a quinze jours pour le promulguer. Mais l’article 10 de la Constitution lui donne la possibilité, avant cette échéance, de "demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée". Décision qui exige alors un décret présidentiel, contresigné par le premier ministre.

Il peut aussi décider d’un référendum (obligatoire si la pétition obtient 4,8 millions de signatures). Lors du mouvement des "gilets jaunes", E. Macron avait défendu "plus de place pour la voix référendaire dans notre démocratie", grâce à des pétitions soutenues par au moins "un million de citoyens". On y est déjà largement…