Suspension du numérique et recul des droits des détenus en France

Image tirée de La Brèche (illustration : Thiriet)

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Les images, partagées via TikTok, d’un détenu en train d’utiliser une tablette pour regarder des clips ou jouer à des jeux vidéo ont fait grand bruit. Elles ont été à l’origine de la suspension, le 8 mars dernier, du programme "Numérique en détention" (NED), initié en 2018 par la garde des Sceaux d’alors, Nicole Belloubet.

Ce dispositif, consistant en l’installation de tablettes "bridées" dans les cellules, visait à permettre une certaine autonomie aux prisonniers dans des démarches administratives – rédaction de courrier, réservation de parloirs… –, tout en soulageant le personnel pénitentiaire. 

Une réponse minimale à la fracture numérique que subissent les personnes incarcérées [1].

La remise en question de cette déconnexion forcée, qui accentue la précarisation des détenus, ne semble pas faire partie des priorités de l’exécutif, ainsi que le déplore Matthieu Quinquis, président de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF) : "La politique générale qu’essaie de mettre en place Gérald Darmanin n’est pas dans un logique de reconnaissance de nouveaux droits pour les détenus, et d’accès à des outils favorisant le maintien des liens familiaux ou les projets de réinsertion. Elle s’inscrit dans une logique sécuritaire, voire réactionnaire, qui entraîne un recul des droits des personnes incarcérées."

Quelques semaines plus tôt, le 17 février, le ministre de la Justice réagissait à une polémique autour de l’intervention bénévole d’élèves en esthétique, venus prodiguer des conseils de soins à destination de quelques prisonniers de la maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne) – le tout se transformant en "soins du visage […] payé[s] par nos impôts" dans un communiqué de FO Justice [2].

Il annonçait ainsi l’arrêt de toutes les "activités ludiques" en prison, au grand dam de Matthieu Quinquis : "Cette note a entraîné la suspension d’énormément d’activités en détention, avec parfois l’arrêt brutal de projets de formation ou de réinsertion. Nous considérons que ces activités permettent le développement de capacités psycho-sociales essentielles, notamment au vu des conditions de détention." 

L’OIP-SF s’est ainsi associée à sept autres organisations (CGT Insertion-Probation, SNEPAP-FSU, Syndicat de la magistrature, CRI, Ligue des droits de l’homme et Association des avocats pour la défense des droits des détenus [A3D]) pour contester cette décision devant le Conseil d’État. [Le Conseil d'Etat a, depuis, rendu sa décision : l’interdiction générale des activités “ludiques ou provocantes” en détention décrétée par le ministre de la Justice est illégale].

Plus récemment, Gérald Darmanin s’est illustré en annonçant la construction prochaine de prisons "modulaires" – via des préfabriqués [3] – et en suggérant la participation des détenus aux "frais d’incarcération". Pour Matthieu Quinquis, "il s’agit d’une proposition indécente, qui illustre une méconnaissance de la situation des détenus"

Plus de la moitié des prisonniers sont ainsi sans emploi avant leur entrée en détention, et seuls 30 % d’entre eux ont accès à une activité rémunérée au cours de celle-ci, payée entre 25 et 45 % du SMIC.

Établir un lien direct entre les annonces ministérielles et les attaques violentes, ayant eu lieu entre le 13 et le 21 avril et visant plusieurs établissements et agents pénitentiaires, semble prématuré. Durant ces dernières ont cependant fleuri des tags "DDPF", pour "Défense des droits des prisonniers français".

La surpopulation carcérale atteint des sommets en France – plus de 131 % de taux d’occupation global et plus de 200 % dans certains établissements ou quartiers pénitentiaires –, laquelle est régulièrement condamnée pour ses conditions de détention [4].

Des alternatives existent [5] et un récent rapport, commandé par le ministère en fin d’année dernière et remis en mars, préconise une "réduction de peine exceptionnelle" générale, à l’image des mesures prises pendant le confinement. Pour autant, les préoccupations du ministère semblent pointer dans une tout autre direction.

[1] "Internet en prison : derrière les barreaux, la déconnexion", La Brèche n°6, décembre 2023 – janvier 2024

[2] "Service à domicile", communiqué de FO Justice, 12 février 2025

[3] "Gérald Darmanin annonce la construction de prisons 'modulaires', pour créer 3 000 nouvelles places en quelques mois", Le Monde, 14 avril 2025

[4] "La France de nouveau condamnée par la justice européenne pour des conditions indignes de détention", Le Monde, 6 juillet 2023