Chat control ou le danger d'une surveillance de masse dans l'UE : pétition

Depuis (8/10), le gouvernement allemand a publiquement annoncé qu'il ne voterait pas en faveur du projet européen de surveillance généralisée "Chat control". Si cela constitue une victoire, ce projet ne disparaît pas pour autant. Les États membres vont tenter de retrouver un compromis et probablement de prévoir un nouveau vote d'ici le mois de décembre. La Quadrature du net

L'organisation allemande Digital Courage complète en montrant la pression qui a été organisée, notamment en Allemagne : des dizaines de milliers de courriels, d'appels et de discussions avec des parlementaires, une pétition ayant recueilli 363 493 signatures... Mais une proposition de compromis est désormais sur la table. Elle autoriserait de manière permanente la surveillance "volontaire" des conversations. L'abolition de toute surveillance des conversations demeure notre objectif.

Le projet de "Règlement sur la détection des contenus d'abus sexuels sur mineurs" (ou CSAR, "Child Sexual Abuse Regulation") est un texte technocratique à l'intitulé protecteur, à priori totalement positif pour les citoyens.

Sauf que, derrière ce projet, l'UE veut imposer le contrôle de toutes nos conversations privées (même celles des messageries chiffrées WhatsApp, Signal, Telegram...) et mettre fin à l’anonymat en ligne. "Chat Control" est le surnom que lui ont donné ses opposants.

Un débat aura lieu au parlement européen les 13 et 14 octobre prochain, pour un éventuel vote final fin 2025 ou début 2026. Ce projet, initié dès 2022, est actuellement soutenu par quatorze États (dont la France), quatre sont indécis et neuf sont contre (voir carte). L’Allemagne, d’abord favorable, a reculé, estimant que ça ressemblait trop à la Stasi, ce qui est éthiquement et démocratiquement problématique et trop proche d’un souvenir de dictature.

En parallèle, des centaines de chercheurs en cryptographie ont déjà signé des lettres ouvertes alertant sur la dangerosité du dispositif.

Il est donc encore temps de s'opposer à ce projet en signant la pétition de la campagne "Stop Scanning Me" (soutenue notamment par l'EDRi, dont fait partie La Quadrature du Net).

1. D’après ce projet, les communications privées de tout un chacun pourraient être scannées à l’aide de filtres douteux fondés sur de l’intelligence artificielle, pour voir si les messages contiendraient des contenus pédopornographiques. Il s’agit là d’un cas parfait de surveillance de masse qui, en plus d’être contraire au principe de la présomption d’innocence, n’est pas très efficace d’un point de vue mathématique. La Commission prétend que l’analyse resterait ciblée, mais nous expliquons ici pourquoi cela est faux.

2. La proposition exige que ce scan soit effectué par tous les services de messagerie chiffrés de bout en bout, tels que WhatsApp et Signal. Cela reviendrait à déployer un logiciel espion personnalisé sur les appareils de millions de personnes (ordinateurs ou téléphones). En plus d’être un cauchemar en matière de cybersécurité, l’ONU et la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ont rappelé que compromettre le chiffrement constituerait une violation massive du droit à la vie privée de chacun.

3. Les services de communication en ligne devraient exiger que les utilisateurs se soumettent d’abord à une vérification d’âge. Il a pourtant été démontré que tous les outils actuels de vérification d’âge constituent une menace pour la liberté d’expression, l’indépendance et le droit à la vie privée. Cela obligerait chacun·e à accepter un système d’identité numérique et pourrait signer la fin de l’anonymat en ligne (ce qui mettrait en danger les journalistes, lanceur·euses d’alerte, les avocat·es, les militant·es, les personnes qui ont besoin de soins de santé, les communautés homosexuelles, les parents partageant des photos de famille, et même les enfants qu'il est censé protéger...

En bref, l’impact négatif de Chat Control sur la démocratie serait sans précédent. Et en légitimant ces pratiques dangereuses, l’UE enverrait au reste du monde un signal indiquant que la confidentialité des communications en ligne n’existe plus.

En novembre 2023 au Parlement européen, une majorité de député·es venant de 7 groupes politiques ont adopté une position sur ce texte qui exclut la surveillance de masse, garantit que le chiffrement ne serait pas compromis et fixe des critères stricts quant à l’utilisation excessive des outils de vérification d’âge.

Mais il a moins de pouvoir que les Etats dans ces négociations. Parmi ceux-ci, après trois ans de discussions intenses (au 19/09/2025), certains pays sont favorables à la surveillance des communications, comme la Hongrie, l’Irlande, l’Espagne et le Danemark [et la France qui, après avoir été contre le texte, puis s’être abstenue, se prononce maintenant en sa faveur !], d'autres pays s'y opposent (Autriche, Belgique, Estonie, Finlande, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Slovaquie) ou s'abstiennent (Allemagne, Grèce, Roumanie, Slovénie).

Le Règlement européen CSAR veut remettre en cause le droit au secret de nos communications (10/2023)