Photo (région Auvergne-Rhône-Alpes / K.Debbache) de Fabrice Pannekoucke (à gauche), actuel président du Conseil Régional à l'occasion de la rentrée en septembre
La région et son mentor, Laurent Wauquiez, toujours en campagne techno-sécuritaire, ont tenté un nouveau coup de com : l'installation de scanners corporels (comme dans les aéroports) à l'entrée du lycée Charles Mérieux à Lyon (7e arrondissement).
... Sauf qu'ils n'ont pas demandé l’autorisation aux services de l’Etat ! Il faut préciser que leur utilisation dans un établissement scolaire est impossible dans le cadre légal actuel. Ci-dessous article du site Médiacités.
L’opération avait été concoctée pile pour le jour de la rentrée scolaire. Une demi‐journée, juste le temps de quelques images pour les caméras. Lundi 1er septembre dernier, les élèves du lycée Charles Mérieux, dans le 7e arrondissement de Lyon, avaient dû traverser des portiques de détection – des scanners à ondes millimétriques, utilisés habituellement dans les aéroports – avant de se rendre en classe. Le tout à grand renfort de barnums aux couleurs de la Région et en présence du président de la collectivité, Fabrice Pannekoucke, qui a succédé à Laurent Wauquiez.
Un coup de com’ sécuritaire typique de ce dernier, parti à l’Assemblée nationale depuis l’an dernier, mais resté "conseiller spécial" omnipotent au sein de la collectivité. A l’époque, des syndicats d’enseignants et une association de parents d’élèves avaient regretté une "dérive sécuritaire", estimant que des moyens humains seraient toujours préférables aux "technologies clinquantes".
Dans le dossier de presse envoyé en parallèle, la Région prenait soin de parler d’"une démonstration" des scanners à ondes électromagnétiques, "de façon expérimentale et pour une journée". La formulation est prudente, et pour cause : l’opération s’est déroulée en dehors de tout cadre légal.
La région Auvergne‐Rhône‐Alpes n’a pas demandé, comme elle l’aurait pourtant dû, le feu vert des services de l’Etat pour organiser cette "expérience" (par une demande d’autorisation préalable), ce que confirme la préfecture du Rhône.
Les scanners à ondes millimétriques sont autorisés depuis 2011 dans les aéroports, et la loi votée en 2023 pour préparer les Jeux olympiques a permis leur utilisation à l’entrée des enceintes pouvant accueillir plus de 300 personnes lors de manifestations sportives, récréatives ou culturelles. Mais cette autorisation ne s’étend pas aux établissements scolaires.
En attendant une réforme parlementaire
La collectivité est pourtant parfaitement informée des règles en vigueur, puisqu’elle réclame justement depuis des mois au gouvernement une évolution de la législation pour inclure les lycées. Un souhait réitéré dans un vœu voté en juin dernier par le conseil régional. En attendant une réforme parlementaire, la collectivité de Fabrice Pannekoucke indiquait dans cette même délibération qu’elle allait "solliciter auprès de la Préfète de Région l’usage ciblé des scanners corporels au titre du droit de dérogation des préfets".
Mais les services juridiques de l’Etat ont estimé qu’il n’existait pas de base légale pour autoriser ces scanners. Leur utilisation n’entre pas dans les dérogations pouvant être accordées par la préfecture. Quant à la loi de 2023 sur les Jeux olympiques, elle a certes été prolongée jusqu’à la fin de 2027, mais le dispositif envisagé par la Région n’entre donc pas dans les événements visés dans ce texte.
Ce passage en force illustre une nouvelle fois la volonté de la collectivité de Laurent Wauquiez de s’approprier les questions de sécurité, une prérogative normalement réservée à l’Etat, à des fins de communication politique. Depuis des années, la collectivité cajole les forces de l’ordre et s’immisce dans les questions sécuritaires, notamment en investissant des millions d’€ dans l’installation de centres de vidéosurveillance dans certaines communes.
Une stratégie que comptent bien dupliquer les représentants de Laurent Wauquiez dans l’agglomération lyonnaise dans les échéances électorales à venir : "La sécurité n’est pas une compétence de la Métropole, comme ce n’était pas une compétence de la Région, mais nous allons la prendre", lançait par exemple le maire de Bron Jérémie Bréaud (Les Républicains), interviewé cet été par Tribune de Lyon.
Dans son vœu de juin dernier, la Région souhaitait aller plus loin et expérimenter la vidéosurveillance algorithmique, qui permet potentiellement de la reconnaissance faciale automatisée, "dans et aux abords" des lycées. Ce puissant outil de surveillance, autorisé dans certains contextes pendant les Jeux olympiques et jusqu’en 2027, fait l’objet de fortes critiques pour les risques qu’il comporte en matière de libertés fondamentales.
Pour l’heure, ce genre de dispositif est interdit dans les espaces publics (voir à Lille), et a fortiori à l’entrée des lycées. En attendant, peut‐être, la prochaine "démonstration expérimentale" de la région Auvergne‐Rhône‐Alpes… Vous avez dit Etat de droit ?
