Téléphonie et cancer : l’ANSES minimise - une fois de plus - les risques


L'ANSES vient de publier un avis et un rapport sur la cancérogénicité des ondes radiofréquences (RF) qui "ne met pas en évidence de lien entre l’exposition aux ondes radiofréquences, principalement émises par la téléphonie mobile, et l’apparition de cancers". Elle souligne des "signaux préoccupants" sur l’impact sur la fertilité et sur le fonctionnement cérébral.

Cet avis, qui prend en compte certaines études mais pas d'autres, et dont les conclusions semblent dictées plus par les intérêts économiques que par la santé publique, interroge sur la légitimité de ce type d'agence, trop dépendant des stratégies étatiques et des grands acteurs économiques.

Si on suit bien, la commande de cette étude date de 2016 (il y a presque 9 ans !), elle a mobilisé des scientifiques, des parties prenantes (victimes électrosensibles, dont certain.es des nôtres) lors d'une consultation publique en 2024, pour aboutir à une conclusion aussi pauvre : "pas de lien de cause à effet établi entre ondes et cancer [...], rester vigilant face à l’évolution rapide des pratiques et des technologies [...], maintenir une utilisation raisonnée du téléphone mobile"...

Quid de l'argent dépensé (le nôtre !) pour un résultat aussi creux. Comme on en a désormais l'habitude, cette étude disculpe de toute responsabilité les industriels et l'Etat en impliquant uniquement celle des usagers, particulièrement les parents.

  • 80% des membres de l’équipe chargée du protocole d’exposition (les chercheurs qui mesurent le paramètre critique) travaillent directement ou indirectement pour Orange Labs, ETRI ou l’institut ISGlobal qui porte l’étude (fondation financée par les sociétés de télécoms)
  • Multiples conflits d’intérêts omis dans les déclarations d’intérêts des experts
  • Outils d’exposition développés en interne par des experts d’Orange Labs, ne reflétant jamais l’exposition réelle des enfants

Alerte Phonegate, qui était jusque là membre du Comité de dialogue "radiofréquences et santé" de l’ANSES, avait d'ailleurs suspendu sa participation suite à MOBI-Kids et engagé une action contentieuse (toujours en cours) contre cette consultation.

PRIARTEM, autre association ("pour la protection de la santé et de l’environnement face aux risques liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques"), constate que ce rapport entérine un niveau de preuve inférieur à ce qui était établi jusqu’à présent par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer, basé à Lyon) :

  • l’ANSES avait déjà montré l’existence d’impacts sur l’activité électrique du cerveau. Mais n’étant pas l’objet de la saisine, ces signaux d’alerte ne sont pas exploités dès à présent. Ils devront faire l’objet d’expertises ultérieures. Quand ? Avec quels moyens ? On n’en sait rien. En séquençant ses avis, l’ANSES produit un message incompréhensible en matière de prévention de la santé publique. 
  • Sur le volet Cancer : en 2011, les radiofréquences ont été classées 2B par le CIRC, c’est-à-dire cancérogène possible. En 2013, l’ANSES est arrivée à la même conclusion. Et aujourd’hui, les experts disent ne pas pouvoir conclure ni dans un sens ni dans un autre, alors que l’Agence communique sur le fait que de nouvelles études précisent les connaissances sur le risque de cancer !

"Les experts ont retenu comme valables des études considérées en 2011 comme non-conclusives par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), tandis qu’ils ont invalidé les données du NTP (Programme national de toxicologie américain), à l’inverse d’une récente revue commanditée par l’OMS, laquelle établit un niveau de preuve élevé pour les gliomes et les schwanommes du cœur."

Les chiffres de Santé Publique France confirment une augmentation préoccupante des cancers du cerveau et particulièrement des plus graves, les glioblastomes, et en particulier chez les 15-39 ans (230% d’augmentation).

Un expert du groupe de l'ANSES, le Professeur clermontois Gérard Ledoigt, a exprimé une position divergente, concernant le niveau de preuve, estimant que les données suggèrent que dans les lignées cellulaires humaines et les modèles non-humains, l’exposition aux radiofréquences induit un ensemble de mécanismes impliqués dans la cancérogenèse des tumeurs cérébrales.

Pour les tumeurs cérébrales, il souligne que les données épidémiologiques apportent des éléments de preuve limités pour conclure à l’existence d’un effet des radiofréquences sur l’apparition de cancers du cerveau. De plus, les données mécanistiques dans les lignées cellulaires humaines et les modèles animaux suggèrent l’induction de mécanismes liés au cancer du cerveau. Pour lui, l’effet cancérogène des radiofréquences dans le cerveau et le système nerveux central est possible chez l’humain.

L'ensemble de sa réfutation est à trouver dans l'annexe 4, p. 373 à 396), à la toute fin du rapport !