Le gouvernement examine ce mardi 4 avril la nouvelle loi de programmation militaire pour 2024-2030. Depuis l'installation de Macron à l'Elysée, le budget consacré à l'armée aura doublé, installant le pays dans une économie de guerre.
Clarifions d'entrée : le choix d'augmentation des budgets militaires et le basculement dans le tout numérique sécuritaire ont commencé bien avant la guerre en Ukraine. Les programmes européens Horizon, lancés dès 2016, financent depuis lors la recherche sur la militarisation numérique contre les migrants à base d'intelligence artificielle, de reconnaissance faciale, de détecteurs de mensonge, certains prolongeant même en direction de ces robots tueurs dénoncés par nombre d'ONG.
Plus directement dans le domaine militaire, il existe depuis 2021 un Fonds européen de défense qui sert au financement de la recherche et du développement entre des industriels établis dans l’Union. Pour le site (anglais) Statewatch , cette création marque un nouveau départ pour l'UE, qui a commencé comme un projet de paix (après la guerre de 1939-1945, notamment pour oeuvrer à la réconciliation franco-allemande). Désormais, elle poursuit des objectifs militarisés.
Bien avant l'Ukraine...
En France, la loi de Programmation Militaire (LPM) votée en 2018, avait prévu 295 milliards d'euros pour la défense jusqu'en 2025, augmentant déjà fortement les dotations annuelles (43,9 milliards en 2023 contre 32,3 milliards en 2017, avec comme objectif d'atteindre les 50 milliards à l'horizon 2025). C'était une accélération historique après trente ans de coupes budgétaires.
La nouvelle LPM pour 2024-2030 prévoit, elle, de passer à 413 milliards d’euros sur les 6 ans, plus de 100 milliards de crédits supplémentaires … C'est une augmentation globale d’un tiers, soit le plus important budget jamais consacré aux armées depuis les années 1960, lorsque de Gaulle avait opté pour l’arme nucléaire.
Autre observation : tous ces investissements confortent des technologies à double usage, pouvant être utiles à la fois au secteur militaire et à la "sécurité intérieure". Les technologies développées pour le militaire ne tardent pas à être retournées contre les populations des pays qui ont financé ces recherches ! Par le biais de tous ces outils de surveillance qui ont été déployés dans nos villes et villages. Et plus spécifiquement contre ceux qui contestent démocratiquement les choix faits lors des mouvements sociaux, d'actions pour lutter contre la dégradation du climat...
E. Macron dit aussi souhaiter "renforcer notre dissuasion" nucléaire, "un élément qui fait de la France un pays différent en Europe" et dont le budget pour 2023 est de 5,6 milliards d'euros.
Tous ces choix se font sans débat : le fait du prince prévaut, entouré de quelques techniciens, le plus souvent en lien direct avec les industriels qui fournissent à la fois le militaire et la police.
En 2003, J. Chirac refusait de suivre les américains dans leur guerre en Irak, suite à des débats à l'Assemblée Nationale et au Sénat : autres temps, autres moeurs... Décision qui s'est pourtant révélée plus que pertinente !
"Numérisation accélérée du champ de bataille"
Cela passe aussi par un investissement massif dans les équipements "classiques", désormais dopés à l'usage des technologies numériques : le programme vise à augmenter "la puissance des frégates", à développer "les porte-avions de nouvelle génération", à passer "au tout Rafale".
De même, la réserve opérationnelle des armées serait aussi doublée, l'idée étant d'avoir un réserviste pour deux militaires actifs. L'armée française compte actuellement 270 000 soldats – dont 60 000 civils – et 40 000 réservistes.
Au delà, de nouvelles technologies sont particulièrement ciblées : bien sûr pour tout ce qui relève du renseignement (d'après E. Macron, "les budgets de la Direction du renseignement militaire et de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense seront notamment doublés").
Il y aurait doublement du budget des drones (drones suicides ou drones kamikaze) et des capacités de défense aérienne, renforcement des capacités de cyber défense (dont celles de traitement des cyberattaques drones) ... On peut penser que les fantassins seront aussi équipés (comme la police LOPMIsée), d'exosquelettes, de casques de réalité virtuelle...
Mais une bonne part du détail des budgets envisagés est classée secret-défense, ce qui empêche de débattre des choix stratégiques opérés.
Les sommes engagées sont sans précédent, et représentent, d'après Le Monde, beaucoup de "paris" stratégiques qui peuvent s'avérer erronés.
Surtout, cette fuite en avant budgétaire paraît démentielle à l’heure où les carences du financement public, de l’école aux hôpitaux, alimentent les tensions sociales, et où le changement climatique devrait mobiliser toute l'attention et les choix budgétaires du gouvernement.
Il s'agit aussi de choix nationalistes, propres à flatter l'ego de la partie la plus va-t-en-guerre de la population, celle raciste qui craint un "grand remplacement", ou celle qui a du mal à envisager que la plupart des problèmes qui sont posés au pays ne peuvent se résoudre que dans la coopération avec l'ensemble des peuples du monde.
Tribune : Le projet de loi de programmation militaire (2024-2030) : un pas de plus vers une "économie de guerre" parasite et dangereuse (signée par 44 intellectuel·les)
2 réponses sur « Tout pour la guerre et la surveillance, rien pour... »
[…] Article de HACN "tout pour la guerre et la surveillance" : https://halteaucontrolenumerique.fr/?p=2201 […]
[…] avec 68,5 milliards de dollars, la France y consacrant 53,6 milliards de dollars en 2022. Mais la nouvelle loi de programmation militaire pour 2024-2030 va augmenter d'un tiers ces dépenses (et, depuis son arrivée, Macron aura doublé le budget […]