Pourquoi les QR codes m’incommodent... ainsi que "tout le reste"

L’obligation d’un QR code pour accéder à la déchèterie, c’est pas grave, si ?

Pas grave, quoique...

⇒ C’est une captation de données par Saint-Étienne Métropole. En effet, il faut produire une pièce d’identité, un justificatif de domicile de moins de trois mois, la carte grise des véhicules à enregistrer.

Tout le monde n’a pas envie de communiquer ce genre de données à SEM.

Tout QR code est discriminatoire car c’est un laisser-passer.

Nombre de personnes ne sont pas à l’aise avec le numérique, certaines n’ont pas le matériel : avant que la numérisation de la société ne s’impose, elles étaient autonomes dans leur vie de tous les jours.

Sans parler de celles et ceux qui ne veulent pas passer sous les fourches caudines de ce dispositif.

En psychologie, l'habituation constitue une forme d'apprentissage. C’est un processus d'adaptation, d’accoutumance de l'organisme à un stimulus. Cette accoutumance se manifeste par un affaiblissement, ou même un épuisement de la réponse à ce stimulus à mesure que l'organisme y est confronté.

Ainsi, le Quick Response code a fait son entrée dans nos vies à la faveur du passe sanitaire instauré par la loi du 31 mai 2021. Le Covid 19 fut une aubaine : l’accoutumance, l’habituation à ce super code-barres était engagée.

Ce processus d’habituation avait commencé bien avant avec l’installation de caméras de surveillance dans l’espace public.

C’est Nicolas Sarkozy qui a fait voter la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme. Cette loi a assoupli les conditions d’utilisation de la vidéosurveillance dans l’espace public.

Ses successeurs à la Présidence lui ont emboîté le pas sans coup férir.

La vidéo surveillance est devenue si populaire chez les élu.es que certain.es en redemandent. La population ne s’en offusque pas, au contraire, tant la demande sécuritaire est forte : l’acceptibilité sociale est à son comble.

Localement : lu dans ICI, samedi 29 novembre 2025 :

"Dix à quinze caméras supplémentaire sont mises en place chaque année à Saint-Étienne selon la mairie. Riorges qui saute le pas début 2025. Planfoy qui a fait ce choix en 2024. À l'heure actuelle dans la Loire, une quarantaine de communes sont équipées de systèmes de vidéo surveillance". 

À l’échelle nationale : en 2023, un rapport sur la vidéosurveillance rendu par les députés Philippe Gosselin (LR) et Philippe Latombe (Modem) estimait à 90 000 le nombre de caméras de surveillance de la voie publique contrôlées par la police ou la gendarmerie. Elles n'étaient "que" 60 000 en 2013 (soit une augmentation de 33%).

Banalisation de ces dispositifs de surveillance, on vous dit. Habituation maximale.

La vidéo surveillance algorithmique (VSA) est un système qui vise à automatiser le traitement d’images de caméras de surveillance : la VSA, grâce à un logiciel ajouté aux caméras classiques, analyse, notamment, le comportement des personnes dans l’espace public et alerte en cas d’agissements "suspects", "anormaux".

Les jeux olympiques et paralympiques 2024 ont constitué un effet d’aubaine pour permettre à la VSA d’entrer dans la loi, dite loi JO 2024. Cette dernière a permis la légalisation de la VSA "à titre expérimental et exceptionnel" pour assurer la sécurité à l’occasion de cet événement.

L’utilisation de la VSA, initialement programmée jusqu’au 31 mars 2025 pour couvrir tous les événements sportifs, festifs et culturels, est en voie de pérénnisation.

Les élections municipales de 2026 seront l’occasion de rencontrer des candidat.es et de leur demander de prendre des engagements sur le sujet.

La VSA représente une véritable porte d’entrée pour la reconnaissance faciale : techniquement, pour passer en mode reconnaissance faciale, il suffit d'activer la fonctionnalité correspondante sur des logiciels de VSA.

Dans un contexte d’obsession sécuritaire, elle est soutenue par le pouvoir et déjà largement intégrée aux pratiques policières (voir La police nationale utilise la reconnaissance faciale de façon illégale depuis 2015 !)

Félix Tréguer s’est rendu à la 24ème journée technico-opérationnelle de la sécurité intérieure dite Technopolice le 24 septembre 2019. Ce raout avait pour thème "Reconnaissance faciale et sécurité intérieure".

Ci-dessous, les propos qu'il rapporte dans son ouvrage "Technopolice" paru en octobre 2024 : "les populations ont accepté les usages commerciaux de la reconnaissance faciale" (la fonction Face ID permet aux utilisateurs d’iPhones de dévérouiller leur smartphone grâce à leur empreinte faciale) [...] "comment n’accepteraient-elles pas son usage pour un impératif aussi impérieux que la sécurité publique ?" déclarations de Dominique Schoenher, commandant de gendarmerie.

Concernant l’objectif à plus ou moins long terme, le propos est sans ambiguïté. D’ailleurs, ce commandant de gendarmerie constate que l’habitude est déjà bien engagée.

L’habituation est la stratégie promue, et mise en œuvre, par le député Philippe Latombe * (tiens, encore lui !).

* Élu député MoDem en 2017, puis réélu en 2022 et en 2024 au sein du groupe Les Démocrates, il est membre de la CNIL depuis août 2022, nommé par la Présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.

D’après Félix Tréguer, concernant "la reconnaissance faciale et biométrique dans l’espace public (...) la philosophie qui guide son approche (celle de P Latombe) est à ses yeux la plus susceptible de porter ses fruits. C’est la stratégie des « petits pas » aussi connue sous le nom de « fable de la grenouille »" (in Technopolice, page 149) : une grenouille plongée dans l’eau chaude aurait une réaction immédiate et jaillirait du bocal.

Une grenouille dans un bocal dont on augmenterait progressivement la température de l’eau n’aurait pas ce sursaut et finirait... mal.

Avec de tels individus, qui tiennent de tels propos, il est évident que l’article 1er de la loi Informatique et Libertés est en voie de passer par pertes et profits.

Article 1er

L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.

La reconnaissance faciale est portée par des industriels (dont Thales en France).

La connivence entre les gouvernements et les industriels de la surveillance ne fait guère de doute, chacun y trouvant son intérêt.

Lire "L'Âge du capitalisme de surveillance" de Shoshana Zuboff, paru en 2019.

Déjà, en 1932, "Franz von Papen, chancelier du Reich(...), se disait alors partisan d’un État garant des intérêts de la grande industrie qui n’hésite pas à la protéger des revendications démocratiques au moyen de la répression et du musellement des libertés publiques" (in Technopolice, page 174)

Pour celles et ceux qui se croyaient protégé.es par le RGPD, vous êtes prié.es de déchanter.

Pour rappel : le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est entré en application dans toute l’Union européenne le 25 mai 2018.

Mais voilà : cela commence à bien faire !

En effet, le RGPD est jugé trop contraignant : l’Union européenne a annoncé, mi novembre 2025, une série de mesures visant à réduire le fardeau réglementaire dans le domaine de l’intelligence artificielle et des données, au nom de l’urgence à redresser la compétitivité de l’Europe et combler son retard technologique.

Évidemment, le marché de la surveillance est extrêmement juteux : le marché français de la vidéosurveillance devrait passer de 1,69 milliard USD en 2025 à environ 2,33 milliards USD en 2030 (chiffres de février 2025).

Le 24 novembre 2025, Christine Lagarde (présidente de la Banque centrale européenne), dans un discours prononcé à Bratislava, déclare "Notre objectif ne devrait pas être de construire les modèles d’IA les plus avancés, mais plutôt de déployer l’IA partout".

Et si, plutôt que de foncer tête baissée, on s’arrêtait et on réfléchissait ?

En matière de numérisation de la société, nos gouvernements successifs ont adopté la stratégie du fait accompli. Il n'y a jamais eu le début du moindre débat démocratique sur ces technologies.

De plus, l'innovation ce n'est pas forcément le progrès. C’est la numérisation de nos sociétés qui pose problème, le QR code en déchèterie (et ailleurs) est un dispositif parmi d’autres. Ces technologies sont incompatibles avec la préservation des droits humains.

Nous avons tous et toutes droit à notre vie privée, droit à l’anonymat dans l’espace public.

Nous ne gagnons pas en sécurité grâce aux technologies de surveillance, par contre nous perdons un peu plus de libertés à cause d’elles.

Or la première des sécurités, c’est la liberté.

"Si nos grands-mères et nos grands-pères avaient dû vivre au début des années 1940 dans un monde saturé des technologies (de surveillance actuelles), sans doute n’auraient-ils pas survécu plus de trois semaines en clandestinité. Et ils n’auraient à coup sûr pas été en mesure d’organiser des réseaux de solidarité dissidents capables de résister au régime nazi." (in Technopolice, page 60)

Tout est dit !

L'énumération des outils de surveillance des populations ne serait pas complet sans évoquer le smartphone. Ce petit rectangle, prolongement de la main, est un espion de nos vies qui sait se faire discret dans une poche ou un sac à main.

Interroger sur le potentiel totalitaire de ces technologies est une nécessité.

La question qui se pose est la suivante : est-ce que celles et ceux qui nous gouvernent sont attaché.es à la démocratie ?

Refuser de s’habituer à ces technologies, c’est résister

Nous n’avons pas d’autre alternative que de nous opposer au techno-solutionnisme (techno-fascisme?) qu’on veut nous imposer sauf à devenir des moutons numériques.

  • Les technologies liées au numérique sont écocidaires : la consommation d'eau et d'électricité qu'elles nécessitent est considérable.
  • Elles ont des impacts environnementaux majeurs : des sols sont ravagés par l'extraction de terres rares dans lesquelles se trouvent les métaux nécessaires (cobalt, lithium, etc) à la fabrication de nos objets numériques.
  • Elles ont des relents de colonialisme : nos sociétés dites modernes encouragent l'exploitation de travailleurs et travailleuses pauvres (parfois ce sont des enfants) dans des pays où les droits sociaux sont inexistants.

NB : Ce texte n’a pas été fabriqué par chategépété

La France est l’un des pays les plus envoûtés par le mysticisme technosécuritaire

Le temps Covid, extension du domaine de la surveillance

L'IA, technologie fascisante ?