Droit à un environnement sain : avancées judiciaires

Image prise lors d'un rassemblement à Nantes. © Sebastien Salom-Gomis / AFP

Plusieurs décisions, ayant trait à l'écologie mais aussi à l'élevage, qui pourraient être mobilisées pour nos combats (notamment sur l'électrohypersensibilité), sont intervenues ces dernières semaines. Bilan rapide d'après plusieurs articles.

Des militants antinucléaires ont déposé devant ce conseil une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur l’article L542-10-1 du Code de l’environnement. Celui-ci définit le "stockage en couche géologique profonde" (ce qui doit intervenir à Bure dans le cadre du projet Cigéo). La question était : cet article est-il conforme au droit des générations futures à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ?

Le 27 octobre, le conseil a certes déclaré conforme à la constitution ce stockage, mais a confirmé que "lorsque le législateur va adopter une loi susceptible d’entraîner une atteinte grave et durable à l’environnement, il doit faire en sorte que les choix qu’il opère ne viennent pas compromettre les besoins des générations futures et des autres peuples".

Il est à noter que plusieurs cours constitutionnelles commencent à prendre en compte ce principe de protection des générations futures, en Amérique du Sud et en Allemagne, et cette question est en suspens à la Cour européenne des droits de l’Homme.

Dès le 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Strabourg a utilisé le résultat de la QPC en suspendant l’arrêté préfectoral autorisant le confinement des déchets ultimes de Stocamine (Haut-Rhin).

Le juge administratif a notamment fait appel à l’article 1er de la Charte de l’environnement, qui dispose que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé". Il a aussi invoqué l’alinéa 7 de son préambule, qui précise "qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins".

Pour l'avocat, pour que ce droit des générations futures soit pris en compte, il faut que l’atteinte à leur environnement sain soit grave et durable, ce qui "ne peut s'apprécier qu'au cas par cas car aucune définition n’existe encore quant à la gravité de l’atteinte".

En septembre 2022 déjà, le Conseil d’État avait reconnu que le droit à un environnement sain était une liberté fondamentale, pouvant faire l’objet d’un référé liberté.

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, a voulu dissoudre le collectif suite à l'action contre la mégabassine de Sainte Soline, dont il avait largement orchestré la mise en scène de sa répression. Depuis les débuts de Macron, c'est la 33e tentative de dissolution d'associations et/ou de collectifs divers. Celle contre les Soulèvements de la Terre a donc été annulée le 9 novembre 2023, mais trois autres sont confirmées (dont la Coordination lyonnaise contre le racisme et l’islamophobie, CRI, accusée d’instrumentaliser le concept d’islamophobie pour provoquer à la haine antisémite et à la violence, notamment parce qu'elle n'aurait pas supprimé des commentaires haineux sur les réseaux sociaux. En avait-elle réellement les moyens ?).

Cependant, des avocats listent les limites de cette décision : Raphaël Kempf, y voit certes la "reconnaissance de la légitimité d’une dose d’appel à la désobéissance civile et au désarmement", mais souligne que cette juridiction "accepte l’idée que des agissements violents puissent concerner des biens, alors que le Code pénal et la Cour européenne des droits de l’homme les restreignent aux personnes". Par ailleurs, la notion de "provocation" n’est pas clairement limitée, et "le juge considère qu’elle peut être constituée même si elle n’est qu’implicite". 

Michel Forst, rapporteur de l’Organisation des nations unies (ONU) sur la protection des défenseurs de l’environnement, "constate dans beaucoup de pays d’Europe une érosion extrêmement inquiétante de l’espace civique". Notamment en Allemagne ou en Italie, "où des mouvements écologistes et climatiques, qui ont recours à la désobéissance civile non violente, sont en train d’être catégorisées comme des organisations criminelles par les autorités". Il ajoute : "Je crois que ce qui inquiète le gouvernement, ce n’est pas tant les supposées provocations à la violence, mais la portée de la voix des Soulèvements de la Terre. C’est le fait qu’ils soient audibles, entendus, écoutés." 

Nicolas Hervieu, juriste, y voit un lien avec la loi "séparatisme" de 2021, et souligne que "le fait que l’association défende une cause environnementale n’a pas d’influence sur la caractérisation de la provocation à la violence". C’est un désaveu de la décision des juges des référés.

Le 17 octobre 2023, la Cour d’appel de Caen a reconnu en 2e instance le préjudice lié à la proximité d’une ligne haute tension pour un éleveur laitier dans la Manche.

Après un premier procès perdu en 2012, cet éleveur obtient la reconnaissance de la suspension à plusieurs reprises de la collecte de lait et la présence répétée de mammites. La Cour estime que "la seule cause possible du préjudice (…) réside dans la présence de la ligne à haute tension appartenant à RTE (…)".

Par ailleurs, la Cour précise que "l’absence de preuve scientifique ne fait pas obstacle à l’existence de présomptions précises, fiables et concordantes". Ce qui établit une présomption de lien entre l’ouvrage électrique et les troubles en élevage. Concernant le montant des indemnisations, le jugement en première instance du tribunal de Coutances (juin 2022) condamnait RTE à verser près de 460 000 € à l'éleveur. La Cour réouvre les débats pour que ces préjudices soient précisés.

C'est donc une victoire prometteuse pour d'autres éleveurs ... et pour les victimes humaines d'ondes électromagnétiques dans d'autres contextes ?

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