Ateliers Droits sociaux - Travail - Agriculture : matin

Ci-dessous relevés de conclusions des trois ateliers Droits sociaux, Travail et Agriculture du samedi 16 octobre. Ils ont travaillé en commun le matin, puis séparément l'après-midi.

Ateliers communs du matin : Droits Sociaux - Travail - Agriculture

Il a été introduit par une visio avec Valérie Pras, du collectif Changer de Cap (qui était déjà intervenue lors du débat Algorithmes, privatisation et contrôle social)

Questions qui ont émergées au cours de l’échange :

  • Le numérique est-il neutre ?
  • Pourquoi un statut d’objecteur du numérique pour résister ?
  • Par quels moyens d’action faire exister ce statut ?

Le numérique est-il neutre ?

Dans les administrations publiques

  • L’outil numérique est utilisé car l’État et les entreprises privées pensent qu’il amène un gain de productivité et en plus il permet le flicage (algorithmes de contrôle, prestataires privés). C’est un outil qui n’est pas vertueux et sur lequel ni les citoyens ni la CNIL n’ont la main.
  • De plus, il ne fait pas forcément gagner en productivité dans les faits. Le résultat d’une étude de chercheurs à Vienne a montré les coûts cachés qui existait derrière une seule aide sociale. En réalité les administrations publiques sont obligées de payer une boîte privée pour réparer bug, de former des agents du conseil régional sur les logiciels, ce qui revient aussi cher voire plus cher que les gains de productivité escompté.
  • En plus ces aides dématérialisées ne fonctionnent pas, beaucoup de gens n’y arrivent pas (développement du travail de Changer de Cap). Le numérique pénalise moins les catégories jeunes, cela dit certains jeunes à l’aise avec des téléphones peinent pour faire des démarches administratives sur l’ordinateur (outil différent + complexité de la démarche administrative en tant que telle car les formulaires standards ne permettent pas de résoudre les situations particulières ou complexes).

Dans le travail

  • Le télétravail possède des avantages et des désavantages. Il possède cependant des effets délétères selon certaines études, car la coupure du lien social (machines à café, etc) a des effets sur le plan psychologique (cf : cas de dépression et de suicides chez les étudiants pendant le confinement).
  • De plus l’envahissement de l’espace privé peut avoir a des impacts la vie de famille, cela peut aussi avoir des effets sur les horaires de travail.
  • L’outil numérique est une technique ambivalente qui n’est pas neutre car il s’agit choix socio-politique fait en amont.
  • Sur l’autonomie il est important de pouvoir choisir notre façon de travailler. Le numérique conditionne le rythme de travail, c’est un nouveau travail à la chaîne (taylorisme moderne), sauf que les salariés n’arrivent plus à suivre ce rythme donc on les remplace par algorithmes.
  • Il y a une perte du sens du métier avec numérique, les salariés ne le disent pas mais ils en pâtissent, c’est la destruction du métier.
  • Et l’IA implique une autre forme d’exploitation, car derrière les algorithmes ce sont des humains qui traitent des milliards de données (mondialisation de l’exploitation, petites mains payées une misère en Amérique latine et dans le Sud), ce sont des personnes recrutées de façon à ne pouvoir jamais s’organiser entre eux (une à Bengladesh, une à l’autre bout du monde).

Dans l’agriculture

  • Les outils sont calibrés pour la productivité mais pas pour coller à la réalité.
  • Le numérique et la bureaucratisation se justifient l’un l’autre. Les agriculteurs doivent utiliser des smartphones tout le temps pour que la PAC puisse vérifier leur déclaration sur l’état de leur parcelle, ce qui n’existait pas avant (il n’y avait qu’une vérification physique une fois par mois) et c’est du boulot en plus pour les paysans qui ne sert à rien, imposé par l’administration.
  • En général, dans la société, une certaine forme de bureaucratisation est nécessaire pour que tout fonctionne (exemple de la SCNF pour que les trains soient à l’heure). Mais la bureaucratisation peut prendre différentes formes et avec le numérique on assiste à une mise sous plateforme de l’État, ainsi qu’à un renforcement du contrôle et de la surveillance des travailleurs (management, outils numériques de surveillance).
  • Il faut pouvoir nous réapproprier le travail en exigeant de pouvoir choisir nos modalités de travail. Le numérique tout dépend de ce qu’on en fait, si c’est au service de l’humain ou des entreprises, mais pour l’instant il est surtout au service des entreprises.
  • Le numérique est aussi un mode de diffusion de l’information qui a été utile dans l’organisation et le développement de plusieurs mouvements sociaux (Gilet Jaunes, Printemps Arabes, émeutes dans les banlieues…). Mais c’est également un outil de surveillance qui se retourne contre les militants (utilisation des photos et des vidéos mis en ligne pour procéder à des arrestations). Il est également de plus en plus censuré. De plus, au sein des mouvements sociaux il a aussi montré ses limites (c’est parce que les Gilets Jaunes se sont retrouvés physiquement qu’ils ont pu lancer un mouvement et le faire tenir dans la durée).
    Il reste toutefois un moyen de communication intéressant à des échelles plus grandes (pays, monde).
  • Le numérique a aussi des impacts écologiques (exploitations de minerais, pollution des sols, assèchement des nappes phréatiques) et sociaux (exploitation de la misère à l’autre bout du monde) à prendre en considération. Le numérique détruit le lien humain mais aussi le lien humain-animal-végétal.

Pourquoi un statut d’objecteur du numérique pour résister ?

  • Faire valoir des droits dans le climat politique actuel est compliqué, les derniers mouvements sociaux nous l’ont bien montré. Toutefois, il y a une réelle nécessité d’agir,
    • pour tous ceux et toutes celles qui voient leurs vies chavirer à cause de sanctions automatisées imposées par les algorithmes qui leur coupent le minimum vital ;
    • pour tous ces militants qui se font injustement arrêtés et condamnés à cause de la vidéosurveillance (bientôt automatisée) et des fichiers interconnectés ;
    • pour tous ces travailleurs en perte de sens, soumis au rythme de la machine et à la surveillance permanente de leurs employeurs, également contraints de surveiller leurs collègues et leurs pairs issus des classes populaires ;
    • pour tous ceux-là, dont nous faisons partie, la résistance aux outils numérique apparaît essentielle. Nous devons nous battre pour regagner notre dignité et ne plus subir.
  • Face à ces multiples constats nous sommes amenés à penser notre action sur deux temps, l’horizon à atteindre et l’urgence immédiate.
    • De petites victoires sont peut-être possibles sur certains sujets précis.
    • Pour le reste, c’est en commençant à faire exister cette question dans l’espace public (dont elle est pour l’instant quasiment absente), que nous pourrons espérer amorcer un changement de société plus global.
    • Créer un statut d’objecteur du numérique, c’est aussi permettre de réunir des gens autour de ces questions et permettre la diffusion de ces pistes revendicatives au sein des mouvements sociaux. C’est recréer un imaginaire différent de celui que l’on voudrait nous vendre.

Par quels moyens d’action faire exister ce statut ?

  • En matière de lutte sociale il existe en général quatre piliers pour avancer : l’éducation populaire, les actions de terrain, montrer que quelque chose est possible et soutenir ceux qui se battent à l’heure actuelle (et faire soutenir), à articuler en même temps.
  • Pistes juridiques : Pour les salariés "droit de retrait" et "droit de véto".
    Le droit de retrait est un droit individuel qu’un salarié ou un agent public peut utiliser parce que ça ne correspond pas à l’éthique de son métier.
    Le droit de véto c’est pouvoir dire non à telle production ou à telle manière de produire, ça existe déjà sur l’organisation. Les organisations syndicales sont en droit de s’en saisir mais ne le font que lorsque
    cela a un impact sur le nombre d’emplois parce que c’est une procédure trop compliquée. De plus, si les syndicats peuvent y recourir, ils n’ont pas de pouvoir exécutif.
  • Faire que les salariés aient un droit de regard sur la production des entreprises ça relève du politique mais pas du droit du travail, ça remet en cause le profit des actionnaires, il est donc difficile d’agir là-dessus, même si l’investissement dans les technologies devrait idéalement faire l’objet d’une discussion collective, pas seulement de droits individuels. Les collectifs de travail devraient pouvoir décider ce dans quoi se dirigent les entreprises dans lesquelles ils travaillent.
  • Pour l’information, la coordination : la création d’une plateforme. Cela permettrait d’articuler les luttes autour du numérique (faire connaître, mettre en liens les personnes avec les différents acteurs qui résistent), de faire connaître les droits existants et de recueillir des témoignages (#balancetonalgorithme), de donner des outils (juridiques, pratiques) pour pouvoir désobéir, de faire passer de la documentation. Proposition de prendre le site de HACN comme point d’articulation.
    Pour agir : des actions festives, des actions de terrain et des actions sociales
  • Tourner en dérision les campagnes de promotion du numérique (affiches et web).
  • Organiser des temps de rencontres avec les syndicats et les associations, voir comment articuler les luttes avec eux.
  • Mener des actions autour de luttes précises (exemple : demander des guichets).

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