Contre la criminalisation et la surveillance des militant·es politiques

Nous relayons la déclaration (et la vidéo) de La Quadrature du net le 5 avril 2024 lors du rassemblement devant le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, à l’occasion de deux nouvelles mises en examen dans l’affaire Lafarge.

On est là aujourd’hui pour dire notre soutien aux personnes convoquées, à toutes les personnes placées en garde à vue et inquiétées dans cette affaire. On est là pour dénoncer l’instrumentalisation de la justice et des services antiterroristes pour réprimer les militantes et militants et dissuader toute forme de désobéissance civile. Là, enfin, pour dire notre indignation face au recours systématique à des formes de surveillance intrusives et totalement disproportionnées.

Les mises en examen de ce jour, ou celles qui les ont précédé dans cette "affaire Lafarge", s’inscrivent dans un contexte plus global. Jusqu’à un passé pas si lointain, de nombreuses formes d’action directes étaient tolérées par les autorités. Mais progressivement, en lien avec la dérive néo-libérale amorcée dans les années 1980, l’espace accordé à la critique d’un système injuste et écocide a fondu comme neige au soleil. De crise en crise, on a assisté à la consolidation d’un État d’exception, à l’inflation des services de renseignement, à la multiplication de dérogations au droit libéral — un droit certes bien trop imparfait, mais qui n’en demeurait pas moins un héritage fondamental des luttes passées. On a également vu un pouvoir politique s’entêter au point de ne plus tolérer la moindre contestation, instrumentalisant le droit commun à coup d’amendes, de dissolutions, de maintien de l’ordre hyper-violent.

Le tout pour réprimer toutes celles et ceux qui ont la dignité de dire leur refus d’un système à la violence décomplexée, et le courage de mettre ce refus en actes. Dans ce processus du criminalisation des militant·es, les services de renseignement, de police judiciaire comme les magistrats du parquet peuvent désormais s’appuyer sur les exorbitants moyens de surveillance. Autant de dispositifs qui se sont accumulés depuis 25 ans et qui, dans l’affaire Lafarge et d’autres jugées récemment, s’emboîtent pour produire une surveillance totale. Une surveillance censée produire des éléments sur lesquels pourront s’édifier le récit policier et la répression.

Cette surveillance, elle commence par l’activité des services de renseignement. Contrôles d’identité qui vous mettent dans le viseur des services, caméras et micro planquées autour de lieux militants ou dans des librairies, balises GPS, interceptions, analyse des métadonnées, … Tout est bon pour servir les priorités politiques et justifier la pérennisation des crédits. L’activité du renseignement consacrée à la surveillance des militant·es – érigée en priorité depuis la stratégie nationale du renseignement de 2019 –, elle a doublé sous Macron, passant de 6 % au moins du total des mesures de surveillance en 2017 à plus de 12% en 2022.

Après le fichage administratif, après les notes blanches du renseignement, vient le stade des investigations judiciaires. Là encore, comme l’illustre l’affaire Lafarge, la surveillance en passe par le recours à la vidéosurveillance – plus de 100 000 caméras sur la voie publique aujourd’hui –, puis par l’identification biométrique systématique, notamment via la reconnaissance faciale et le fichier TAJ, ou quand ce n’est pas possible par le fichier des cartes d’identité et de passeport, l’infâme fichier TES, qui est ainsi détourné.

Pour rappel, le recours à la reconnaissance faciale via le fichier TAJ, ce n’est pas de la science fiction. Ce n’est pas non plus l’exception. Il est aujourd’hui utilisée au moins 1600 fois par jour par la police, et ce alors que cette modalité d’identification dystopique n’a jamais été autorisée par une loi et que, de fait, son usage n’est pas contrôlé par l’autorité judiciaire.

Cette reconnaissance faciale, elle est employée y compris pour des infractions dérisoires, notamment lorsqu’il s’agit d’armer la répression d’opposants politiques comme l’ont illustré les jugements de la semaine dernière à Niort, un an après Sainte-Soline. Et ce alors que le droit européen impose normalement un critère de "nécessité absolue".

La surveillance découle enfin du croisement de toutes les traces numériques laissées au gré de nos vies et nos activités sociales. Dans cette affaire et d’autres encore, on voit ainsi se multiplier les réquisitions aux réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook, l’espionnage des conversations téléphoniques et des SMS, le suivi des correspondances et des déplacements de groupes entiers de personnes via leurs métadonnées, la surveillance de leurs publications et de leurs lectures, la réquisition de leurs historiques bancaires ou des fichiers détenus par les services sociaux, … Le tout, souvent sur la seule base de vagues soupçons. Et à la clé, une violation systématique de leur intimité ensuite jetée en pâture à des policiers, lesquels n’hésitent pas à à s’en servir pour intimider ou tenter d’humilier lors des interrogatoires, et construire une vision biaisée de la réalité qui puisse corroborer leurs fantasmes.

De plus en plus, c’est la logique même de la résistance à la dérive autoritaire qui est criminalisée. Vous utilisez des logiciels libres et autres services alternatifs aux multinationales qui dominent l’industrie de la tech et s’imbriquent dans les systèmes de surveillance d’État ? Cela suffit à faire de vous un suspect, comme le révèle l’affaire du "8 décembre" jugée il y a quelques mois. Vous choisissez des messageries dotées de protocoles de chiffrement pour protéger votre droit à la confidentialité des communications ? On pourra recourir aux spywares et autres méthodes d’intrusion informatique pour aspirer le maximum de données contenues dans vos ordinateurs ou smartphones. C’est ce dont a été victime le photographe mis en cause dans cette affaire. Et si vous refusez de livrer vos codes de chiffrement lors d’une garde à vue, on retiendra cela contre vous et on intentera des poursuites, quand bien même l’infraction censée légitimer votre garde à vue s’est avérée tout à fait grotesque.

Pour conclure, nous voudrions rappeler que, dans les années 30, alors que l’Europe cédait peu à peu au fascisme, un gouvernement français pouvait faire du pays une terre d’accueil pour les militant·es, les artistes, les intellectuelles. C’était juste avant la fin honteuse de la IIIe république, juste avant le régime de Vichy. Aujourd’hui, alors que, à travers l’Europe comme dans le monde entier, les militant·es des droits humains, les militant·es écologistes, celles et ceux qui dénoncent la violence systémique des États ou les méfaits des multinationales, sont chaque jour plus exposé·es à la répression, l’État français se place aux avant-gardes de la dérive post-fasciste.

Reste à voir si, plutôt que de s’en faire la complice active comme le font craindre les décisions récentes, l’institution judiciaire aura encore la volonté d’y résister.

Un communiqué de presse Lafarge – Soutien aux 17 personnes arrêtées par la police anti-terroriste suite à la campagne nationale d’actions contre le monde du béton est diffusé et signé par les organisations suivantes :

Attac FranceExtinction Rebellion Paris
Les Soulèvements de la terreComité local des Soulèvements de la Terre – Paris Est
Union syndicale SolidairesUN’Yon Étudiante
Terres de luttesGroupe d’action Circuits Courts des insoumis.es mêlois.es
Riposte AlimentaireAttac Landes Côte Sud
L’Atelier PaysanLa Voie Est Libre
Groupe parlementaire de la France insoumise – NUPESLes ZAD contre l’A69
Les Ecologistes EELVLes collectifs en lutte contre l’A69
NPAGauche écosocialiste 34
Fédération SUD-RailRévolution Ecologiste pour le Vivant
Union Communiste LibertaireLa France Insoumise 14
Réseau Sortir du NucléaireLes jeunes insoumis·es Caen
Confédération Paysanne 76Comité des Soulèvements de la Terre 66
Extinction Rebellion RouenComité local des Soulèvements de la Terre Compiègne
Les Amis de la Terre RouenPlaine Tempête – Comité Local SDT 93 Nord
Collages Féministes de RouenBureau 122 (Bonny-sur-Loire)
Alternatiba RouenNon au Pont d’Achères (Collectif contre l’A104Bis)
ANV COP21 RouenExtinction Rébellion Chambéry
Comité local des soulèvements de la terre Eure (27)Les soulèvements de la Terre 08-51
NPA 27Tours Antifasciste
EELV NormandieComité Soulèvements Morvan des Lacs
PCF 76Comite Soulèvements 79 sud
Les Jeunes Écologistes NormandieAlternatiba Caen
La France Insoumise 27Les Soulèvements du Layon – 49
Union Communiste Libertaire RouenComité local des Soulèvements sèvre niortaise
Greenpeace RouenLes grebes castagneux comites des soulèvements Chinon et environs
SUD Rail Normandie Les Soulèvements de la Terre La Rochelle
Solidaires Calvados Comité des Soulèvements de la Terre Nantes
La Bande Fleurie (Meuse/Haute-Marne)Ensemble 14
Les Soulèvements de la terre Ile de FranceLes Soulèvements de la Terre du Tarn – SDLT Tarn
La France Insoumise 76Extinction Rebellion Lille
Vous N’êtes Pas SeulsAction Antifasciste La Roche/Banlieue
Comité local des Soulèvements de la Terre Lyon et environsBastyon de Résistance
Extinction Rébellion Le HavreLa France Insoumise 44
Comité local SdlT Sud GrésivaudanCollectif 924
Comité Soulèvements de la Terre Royans-VercorsGroupe des élu.e.s PCF Rouen
Comité soulèvements de la Terra Centre ArdècheComité local soulèvement de la terre Villefranche S/S
Non à l’autorouteComité local des soulèvements de Loire 49
NON A133-A134Extinction rébellion 05
les soulèvements de la terre 65Extinction Rebellion Lyon
Pyrene est des terresStop Val beton (77)
Extinction Rebellion AuxerreSDLT.Suisse
Extinction Rébellion RennesLa France Insoumise 49
Assemblée Populaire AuxerreRéseau OSTIA comité local des Soulèvements de la Terre du Pays Basque Nord
Lyon AntifascisteExtinction rébellion pays de caux
Les souleveMonts et coteaux du lyonnaisCollectif Uni.e.s pour le Climat-Caen
Comité du 89 de soutien aux Soulèvements de la terreComité local Soulèvements de la stère Saintonge (17)
faucheusesvolontaires29Comité local des Soulèvements de la Terre – Trièves (38)
Comité Affaires Sensibles (lyon)Union Communiste Libertaire Orne
Collectif animalier du 06Le Cotentin se Soulève (50)
Soulevement de la Terre AngersCNT 34 ESS
Comité Local des Soulèvements de LilleLa France Insoumise de Charente-Maritime
Union proletarienneComité local Soulèvements de la terre Annecy
Les Jardins des Vaîtes – Besançon (25)Comité Local Soulèvements de la Terre Beauvais
Comité local des Slts du Pays de RedonXR Nantes
Jardins joyeux RouenComité local Soulèvements de la terre du Nord-Isère (38)
Comité Sud-Vendée des Soulèvements de la terreComité local des Soulèvements du Forez (42)
Comité 61 des soulèvements de la terreLa France insoumise dans le Tarn (81)
Comité vannetais des Soulèvements de la TerreComité local les Soulèvements du Furan (Saint-Étienne)
Bibliothèque Fahrenheit 451Extinction Rébellion Paris Ouest
Comité Saumurois des Soulèvements de la TerreExtinction Rébellion Quimper
Comité local les soulèvements de SavoieExtinction Rébellion Saint-Étienne
Comité local des Soulèvements de la Terre MontpellierVite 85
Comité local ⏚ Quimperlé-ConcarneauCoordination des luttes locales d’Ile de France
Comité local des SoulèvementsBassine Non Merci 29
Cholet Vendée NordYouth for Climate Paris-IDF
Comité local des Soulèvements de la Terre BruxellesExtinction Rebellion Tours
Comité local des Soulevements de la Terre 13Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG)
Comité local Soulèvements de la Terre Paris SudSolidaires 61
Comité Grenoblois des SoulèvementsSUD éducation 61
Comité Bas Vivarais-Le Vent Se LèveNPA Caen
Comité La Montagne ArdéchoiseFST (Fougères Soulève Toi) comité local des SDLT de Fougères 35
Comité local Soulèvements de la Terre TouraineExtinction Rebellion La Rochelle
Extinction Rébellion ValenciennesGreenpeace Toulouse
Comité local des Soulèvements de la Terre ValenciennesComité local Soulèvements de la terre Chalon sur Saône

2 réponses sur « Contre la criminalisation et la surveillance des militant·es politiques »