Blocages contre "la semaine de l'IA" à Rennes

Des mouvements collectifs d'ampleur - mélant souvent contestation écologique et contestation des technologies numériques - émergent progressivement : en avril à Grenoble, "de l'eau pas des puces", en mai dans l'Allier contre un projet d'extraction de lithium, en juin-juillet contre l'extractivisme et le colonialisme en RDC. Début septembre, c'est à Rennes qu'une Assemblée anti-industrielle a organisé la contestation de l'IA et de son monde.

Ce collectif rennais mène une action suivie (25 mai, 11 août et 2-6 septembre à l'occasion d'une "semaine de l'IA" organisée par l'université de Rennes). Il est notamment soutenu par le collectif national Anti-Tech Résistance.

Le mardi 3 septembre 2024, les Rennais de l’Assemblée anti-industrielle ont réussi à exposer en plein jour la critique de l’intelligence artificielle !

Ce sont deux conférences de la "Semaine de l’IA" qui ont été annulées et toutes les autres conférences sérieusement perturbées. 

Le matin, nous avons totalement bloqué l’amphithéâtre Robert Castell (EHESP).

Nous sommes ensuite rentrés dans l’espace de conférence du centre INRIA, réquisitionné en urgence à l’autre bout de Rennes, et avons empêché les intervenants de déballer sans contradiction leur discours hautement partial en faveur du développement de l’IA (sous couvert de critiques à la marge).

Nous avons ensuite recréé les conditions d’un véritable débat démocratique en animant des assemblées ouvertes en intérieur et extérieur. Ce sont plus d’une centaine d’étudiants, de professeurs et même de conférenciers qui ont pu connaître et discuter en longueur de la face cachée de l’IA : ses coûts écologique et social intenables comme son impossibilité structurelle d’être régulée par quiconque.

Face à notre détermination à dénoncer sur la place publique les dangers de l’IA, les organisateurs ont considérablement renforcé la sécurité des conférences de l’après-midi, transformant l’INRIA en forteresse avant la conférence de l’armée (portes fermées, rondes de vigiles, bouleversement complet de l’emploi du temps et communication en pagaille).

Transformée en prison aussi, puisque les étudiants et professionnels, triés sur le volet, ont été séquestrés en amphithéâtre pendant plusieurs heures, empêchés ne serait-ce que de faire une pause pour digérer le bourrage de crâne de la DGA pour une IA militaire tueuse, certes, mais éthique ! Bien étrange conception de la "sensibilisation" que prône en grandes pompes le projet TIARE.

Qu’à cela ne tienne ! Malgré ce dispositif disproportionné, nous avons quand même réussi à rentrer au plus près de la salle et à scander notre résistance frontale qui ne fait que commencer.

Désormais les défenseurs de cette nouvelle technologie anachronique qu’est l’IA savent qu’ils ne pourront pas faire impunément la promotion de leur jouet aux conséquences, au mieux inconnues, au pire désastreuses. Nous nous dressons face à l’IA et demain nous la chasserons partout où elle voudra s’implanter.

Du lundi 2 au vendredi 6 septembre a lieu dans l’université de Rennes une série de conférences au sujet de l’IA. C’est l’occasion pour les cols blancs de célébrer le projet SequoIA (développement de l’IA en matière de surveillance, réseaux intelligents et robots autonomes) pour lequel le gouvernement a dernièrement contribué à hauteur de 20 millions d’euros, afin de s’assurer de faire de Rennes un pôle majeur en Europe dans la recherche en intelligence artificielle.

Tandis qu’en 2021, en Libye, un drone turc attaque des cibles sans qu’il ne soit possible d’établir l’existence d’une quelconque décision humaine, la plupart des conférenciers appellent à orienter le débat vers les responsabilités sociétales liés aux usages des technologies qui reposent sur l’IA. Cette chimère du contrôle de l’IA n’est-elle déjà pas trop éloignée de la réalité à laquelle nous sommes déjà confrontés ? Ou une manière de parler fort pour dissimuler le bruit des guerres à venir ? Car pendant ce temps, quand les techno-génocides se multiplient, la direction générale de l’armée (DGA) est invitée aussi lors de cette semaine de l’IA, pour promouvoir son intégration dans les forces armées françaises.

Concrètement, les intervenants sont très éloignés de la réalité : l’un d’entre eux promeut une IA pour prédire des maladies elles-mêmes produites par l’infrastructure industrielle (dont l’IA dépend pour exister). Un autre affirme qu’il faut surveiller les IA pour s’assurer qu’elles soient éthiques. Mais cette surveillance nécessite elle-même une intelligence artificielle ou alors des employés du clic chargé de filtrer à la chaîne des textes discriminants, des images pornographiques et violentes pour permettre un meilleur fonctionnement du logiciel.

Et évidemment, aucun d’entre eux ne parle du coût écologique (data-centers gourmands en eau et énergie, extractivisme, pollutions etc). Non, ils préfèrent nous apprendre comment faire de la bonne intelligence artificielle. Ce n’est pas l’usage de l’IA qui est à blâmer mais l’IA en elle-même : il peut exister de bons et de mauvais usages de l’IA, pourtant tous supposent la même infrastructure de production et de connexion énergivore et polluante. Comment peut-on nous faire croire que vivre dans un monde juste, soutenable et libre, soit compatible avec le gigantisme et la prédation écologique qu’implique l’intelligence artificielle ?

Nous ne voulons pas des villes intelligentes ultra connectées promues lors d’une des conférences tenues par l’entreprise Siradel qui permettront de réguler les flux de mobilité du bétail humain par des dizaines de capteurs.

Le groupe Lacroix, aussi présent cette semaine, combine son expertise avec STMicroelectronics pour développer le pilote Smart Detection: il servira à détecter les sons des mouvements de masse pour en avertir les autorités. N’est-ce pas ce type de technologie qui a mené la Chine au "contrôle social" ?

Pour Orange, géant des télécommunications, l’IA jouera un rôle central dans la surveillance de nos comportements "suspects" sur les réseaux mobiles, nos services bancaires et même nos consommations d’électricité ! Il semblerait que cette entreprise s’enrichisse de nos données et de notre perte d’autonomie.

Nous nous mobilisons donc cette semaine pour que ces conférences n’aient pas lieu. Dans un contexte où la partialité des intervenants en faveur du développement de l’IA n’est plus à prouver, alors que les coûts et risques liés sont pourtant évidents, nous avons donc choisi d’empêcher les débats creux, qui selon nous serviraient sinon simplement à masquer le bruit de la généralisation sans accroc de l’IA. Mieux vaut un débat populaire transparent qu’une conférence pleine de conflits d’intérêts. Alors cette semaine et par la suite, organisons-nous collectivement pour résister concrètement à ce nouveau développement technologique.

Dans ce cadre, l’Université de Rennes, fière de son association à des industriels si prestigieux dans les domaines de la surveillance de masse et du désastre écologique, s’empressait d’organiser dans notre ville une semaine de promotion de l’IA, du 2 au 6 septembre. Nous ne pouvions laisser cela se faire sans apporter à la connaissance du public une parole critique.

Ce mardi 3 septembre, alors que des intervenants comptaient vanter la gouvernance de l’IA, la transition de l’IA, ou encore le développement des IA militaires (cela dans un contexte où des civils palestiniens sont aujourd’hui déjà tués en masse par l’IA Lavender), nous nous sommes donc déplacés pour soutenir les militants de l’assemblée anti-industrielle de Rennes, qui menaient une action de blocage des conférences de la "Semaine de l’IA". Sur place nous avons pu diffuser nos analyses critiques de l’IA, participer à la sécurité du déroulement des actions (le cadre d’action de notre mouvement étant légal et non-violent), et médiatiser celles-ci.

En effet, nous ne voulons pas de cette "sensibilisation" (propagande) à des projets d’IA qui, à Rennes comme partout ailleurs dans le monde :

1 – augmentent la dépendance des humains à l’infrastructure industrielle, là où la priorité devrait au contraire être à l’autonomisation locale des populations ;

2 – priorisent les besoins des industriels (Thales, Airbus, Orange) et de l’armée sur les besoins des humains et de la planète ;

3 – sont imposés à la population sans aucune consultation démocratique, alors que c’est l’argent de nos impôts qui est utilisé (20 millions d’euros) ;

4 – développent des "réseaux intelligents" (technopolice en devenir comme la vidéosurveillance algorithmique qu’on a pu tester aux JO) et des "robots autonomes" (pensez aux drones tueurs autonomes déjà utilisés à Gaza) qui serviront à asservir ou à réprimer des humains ici ou ailleurs ;

5 – ont un coût écologique monstrueux (fabrication et alimentation des serveurs, data-centers, câbles de fibre optique, capteurs, micropuces, tout cela entrainant son lot d’exploitations, extractivismes et pollutions) à une époque qui connaît déjà la 6ème extinction de masse et un réchauffement climatique exponentiel ;

6 – revendiquent à Rennes une visibilité internationale en matière de développement de ces horreurs inhumaines (robots militaires, ou du moins algorithmes necessaires au perfectionnement de ceux-ci) : la seule visibilité que nous voulons avoir à Rennes, c’est celle d’avoir été la première ville à réagir pour refuser de laisser se banaliser la production de l’écocide et des techno-génocides présents et futurs !

Nous appelons donc toutes les personnes sincèrement intéressées par les questions d’écologie, de démocratie et de liberté humaine à se dresser à nos côtés par la suite pour dénoncer les coûts et dangers liés au developpement de l’IA.

Si ce siècle doit voir la généralisation du désastre écologique comme de la surveillance de masse, qu’il ne soit pas dit que les Rennais y auront passivement collaboré ! Organisons-nous pour agir contre le développement techno-dystopique de ce système mortifère tant que nous le pouvons encore !

Nous contacter : antitechresistance@protonmail.com