Frontex 20 ans de surveillance et de violation des droits humains

« Cessez de faire le compte des bougies » , commencez à compter les vies, c'est ce que réclamait le réseau Abolish Frontex à l'occasion du 20ème anniversaire de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes qui « assiste » les pays européens dans « la gestion, le contrôle et la sécurité des frontières ». Frontex fêtait en effet ses 20 ans le 26 octobre 2024. À Nantes, des messages ont fleuri sur les murs.

L'occasion pour le média Contre Attaque de revenir sur l'historique de cette organisation qui mène la répression technopolicière aux frontières de l'Europe et dont nous partageons l'article ci-dessous.

"Frontex est un outil pour les pays européens au budget démesuré de 845 millions d’euros en 2023. L’objectif est de renforcer la politique répressive et ultra-sécuritaire avec une artillerie colossale : drones, radars, satellites, surveillance thermographique, contrôles biométriques, canons à son… Et l’agence européenne ne compte pas s’arrêter là en terme de matériel. Cet été, des appels d’offres d’une somme de 400 millions d’euros ont vu le jour pour de l’équipement, afin « d’améliorer la détection de bateaux en mer Méditerranée et mieux lutter contre l’immigration clandestine ».

Nous avons détaillé l'ensemble de cette artillerie technologique en 2022 dans un article intutilé "Face aux migrant·es, l'UE (et la France) systématisent l'IA". Nous étions notamment revenus sur les programmes Roborder et iBorderCtrl.

En plus du budget sidérant consacré à cette agence, le travail des agents de Frontex portent atteinte à la vie des individus. Pour cet anniversaire, le collectif Abolish Frontex souhaite mettre l’accent sur les vies et non les bougies, avec 20 raisons d’abolir Frontex. Nous les avons traduites :

• 29.442 personnes se sont noyées dans la mer Méditerranée depuis 2014.
• Frontex communique la position des bateaux de migrants aux milices libyennes, qui enlèvent des personnes en mer et les forcent à se rendre dans des camps de torture.
• Frontex a coordonné l’expulsion de plus de 104.000 personnes depuis 2006.
• Frontex a coordonné des vols d’expulsion au cours desquels des personnes ont été torturées.
• Frontex est complice de l’externalisation du contrôle des frontières vers des pays du continent africain, par exemple par le biais du réseau Africa-Frontex Intelligence Community, qui compte plus de 30 États africains parmi ses membres.
• Frontex a recruté une armée de gardes-frontières capables de posséder et d’utiliser des armes de poing, et vise à disposer de 10.000 gardes d’ici à 2027.
• Frontex est complice de «push-back» illégaux et dangereux, une méthode consistant à repousser par la force un bateau au risque de le faire chavirer, de la Grèce vers la Turquie. Depuis 2020, plus de 2000 incidents de ce type ont eu lieu.
• Frontex a coopéré avec des gardes-frontières nationaux en Hongrie, en Bulgarie et en Grèce, qui ont aspergé de gaz poivré et frappé des personnes avec des bâtons, de nuit, et les ont pourchassées dans les forêts avec des chiens.
• Frontex entretient des liens de plus en plus étroits avec l’industrie de l’armement et de la sécurité. Elle assiste souvent à des réunions de lobbying de l’industrie et utilise son propre budget croissant pour acheter des équipements.
• Frontex facilite l’acquisition par les pays de l’UE de technologies et de produits de surveillance et de contrôle des frontières en jouant le rôle d’intermédiaire entre les États membres et les entreprises de défense et de sécurité.
• Dans ses rapports d’analyse des «risques», Frontex dépeint l’immigration comme une menace qu’il faut arrêter et contenir, plutôt que comme un processus naturel qu’il faut faciliter.
• Frontex et l’agence EU-Lisa gèrent une infrastructure de contrôle frontalier basée sur la biométrie. Il s’agit de bases de données interopérables sur l’immigration et la police qui portent atteinte à la vie privée et aux droits de l’homme, comme le droit de demander l’asile.
• Frontex joue un rôle croissant dans la stimulation du financement de la recherche pour les nouvelles technologies de sécurité et de contrôle des frontières, y compris les applications controversées de l’IA, en coopération avec les universités et le secteur privé.
• Frontex a conclu des contrats de plusieurs millions d’euros avec les entreprises d’armement israéliennes Elbit et IAI pour des vols de surveillance au-dessus de la Méditerranée. Elle utilise des drones qui ont été présentés comme «éprouvés au combat» après avoir été utilisés contre des Palestiniens.
• Frontex, en coordination avec la Commission Européenne, peut obliger les États membres de l’UE à renforcer leurs capacités et leurs pratiques en matière de sécurité et de contrôle des frontières.
• Frontex a profité de la guerre en Ukraine pour étendre sa zone opérationnelle à la Moldavie, où elle cible les migrant-es sous le couvert initial d’aider les réfugié-es à fuir l’Ukraine, et se prépare à de futures opérations en Ukraine.
• Frontex a signé un accord de coopération avec le Royaume-Uni, indépendamment de ses politiques migratoires inhumaines, qui ont vu le nombre de personnes se noyer doubler en 2022.
• Frontex n’a pas réussi à sauver la vie de plus de 600 personnes qui se sont noyées lors du naufrage de Pylos en juin 2023.
• Frontex ignore intentionnellement les violations des droits de l’homme commises par les gardes-frontières bulgares, comme le fait de tirer sur les migrant-es, de voler leurs effets personnels, de les forcer à se déshabiller et à retourner en Turquie à la nage.
• Frontex est un acteur clé du régime frontalier de l’UE qui a tué plus de 60.620 personnes depuis 1993.

Il faut ajouter que l’ancien directeur de Frontex est un français : Fabrice Leggeri, aujourd’hui élu d’extrême droite au Parlement Européen, et visé par une plainte pour complicité de crime contre l’humanité. En résumé, Frontex tue, expulse, chasse des personnes en migration sur terre et en mer et participe à des crimes contre l’humanité – détentions arbitraires, meurtres, tortures, complicité de viols… Frontex ne devrait pas exister et une politique d’accueil devraient être mise en place dans les pays européens : ils en sont clairement capable.

Pour rappel, en 2022 lorsque que la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine, une vague sans précédent d’exilé-es ukrainien-nes a été accueillie dignement, rapidement et sans condition partout dans l’Union Européenne, avec notamment plus de 65.538 Ukrainien-nes en France. Les discours mensongers justifiant de l’impossibilité d’accueillir «toute la misère du monde» tombait. Cet épouvantail constamment agité par l’extrême droite n’est pas le problème : celui-ci réside bien dans les politiques qui ont fait de l’exilé-e non Européen-ne un ennemi.

Cette discrimination permet la désignation d’un bouc émissaire responsable de tous les maux et contre lequel il faut agir. La montée de la parole raciste dans les médias et le champs politique atteste du besoin, pour le camp des possédants, de détourner l’attention, d’empêcher toutes réflexion plus complexe sur la place de l’humanité dans la société.
Il faut en finir avec cette politique xénophobe, raciste et inhumaine pour laquelle des vies valent moins que d’autres vies (...)"

Pour protester contre cette répression aux frontières, Abolish Frontex a proposé d'envoyer une carte postale au siège de Frontex en Pologne. Ils ont aussi invité les individus et les collectifs à s’organiser localement.

Un appel qui a été entendu à Nantes, où des messages ont fleuri sur les murs.

Cette même semaine, un nouveau drame s'est produit dans la Manche. Dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 octobre, quatre personnes ont en effet encore perdu la vie, dont un enfant de deux ans.

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