Palestine : arrêtez le massacre !

Depuis presque trois mois, les troupes israéliennes bombardent et tuent en masse en Palestine (à Gaza, mais aussi en Cisjordanie...). Les diverses tentatives pour faire cesser ce feu échouent, et la responsabilité des pays qui soutiennent sans discussion le gouvernement d'extrême droite Israélien (les Etats-Unis, mais aussi l'Europe) est grandement engagée.

Après la FIDH (Fédération internationale pour les droits humains), qui a lancé dès le 12 décembre un appel pour faire cesser ce génocide [1], d'autres acteurs partagent cette analyse et certains (Afrique du sud) portent même plainte.

Les contestations internationales doivent s'intensifier pour pousser à l'arrêt des combats. Mais au delà, pour retrouver la paix dans cet espace géographique, comme le formule la rapporteuse spéciale de l'ONU, "la seule manière soutenable de sortir de cette folie, c’est d’avoir un plan sur le long terme qui permettrait le rétablissement de l’État de droit et du droit international [...] L’occupation militaire doit cesser et il faudra évaluer si les colons installés en Cisjordanie doivent ou non partir."

Le décompte - dramatique - du nombre de morts par le Ministère de la Santé de Gaza s'établissait au 30 décembre 2023 à 21 672 Palestinien.nes tué.es (environ 70% de femmes, enfants et adolescents), près de 8 000 disparu.es et plus de 55 000 blessé.es.

Depuis le début, les gouvernements Nétanyahou et Biden ont contesté ce décompte censé être artificiellement gonflé. Or d'autres experts le jugent au contraire largement sous-évalué, et parlent plutôt de 30 000 à 60 000 morts car beaucoup ne peuvent pas être physiquement constatées. Ainsi de Guillaume Ancel, ancien officier...

Par ailleurs, selon l’ONU, plus de 2 millions de personnes, soit environ 85% de la population, ont été déplacées, et un rapport de l’ONU indique que plus de 570 000 personnes souffrent de famine à cause des conséquences de la guerre, soit environ 25% de la population. Plus de la moitié des habitations sont détruites ou endommagées par les bombardements israéliens (la BBC a analysé des images satellites le 4 décembre. Depuis...), et seulement 20% des infrastructures médicales seraient encore en état de fonctionner.

Mais Gaza n'est pas la seule cible : en Cisjordanie au moins 317 Palestiniens auraient été tués par des soldats ou par des colons israéliens. La frontière nord d’Israël avec le Liban est le théâtre quotidien d’échanges de tirs entre l’armée israélienne et le Hezbollah, et en Syrie, des frappes aériennes "probablement israéliennes", selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), provoquent aussi des morts, des blessés.

Le bilan israélien, en plus d’environ 1 140 décès le 7 octobre selon un décompte de l’AFP, est de 170 soldats tués, d'après l'armée. Même si eux aussi sont des morts en trop, l'asymétrie avec les pertes palestiniennes renvoie aux forces respectives et au rapport dominant.es / dominé.es.

L'objectif annoncé est l'éradication du Hamas, militairement et politiquement. Mais même les hauts fonctionnaires israéliens reconnaissent qu'il est impossible de détruire une idéologie à coups de bombes et de balles, et il est très difficile de connaître l'état exact du Hamas : cette organisation comptait avant la guerre entre 30 000 et 40 000 combattants, et une source militaire israélienne a déclaré à la BBC qu'environ 10 % des combattants, environ 4 000, ont été tués (vers la fin novembre).

Mais vu le nombre très élevé de victimes civiles (plus de 65%) et les déplacements incessants imposés aux gazaouis (actuellement plutôt vers le sud), d'autres objectifs politiques semblent visés comme celui d'un nettoyage ethnique entre la mer Mediterrannée et le Jourdain, et l'expulsion d'un grand nombre de palestiennien.es au delà des frontières d'un état homogène juif (une nouvelle Nakba ?).

"La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) reconnaît qu’Israël mène un génocide [1] contre le peuple palestinien. Les États et les individus qui fournissent une assistance à Israël en sont complices. Un cessez-le-feu immédiat est impératif pour sauver des vies civiles et mettre fin aux crimes qui ont lieu depuis le début de l’offensive. La Cour pénale internationale est appelée à délivrer immédiatement des mandats d’arrêt à l’encontre des responsables israéliens des crimes internationaux commis contre les Palestinien·nes."

"Ce génocide en cours menace l’ensemble du peuple palestinien. Aujourd’hui, Gaza est au centre de l’attention. Mais en Cisjordanie, des dizaines de communautés ont été déplacées de force et d’autres sont menacées du même sort. En Cisjordanie, des Palestinien·nes sont tué·es presque quotidiennement. Ils et elles sont réduit·es au silence et arrêté·es des deux côtés de la ligne verte. Le système d’apartheid colonial d’Israël envoie un message aussi clair que permanent : si le régime d’apartheid n’est pas démantelé et les crimes restent impunis, il n’y a pas d’avenir pour le peuple palestinien, où que ce soit sur sa terre", déclare Diana Alzeer, vice-présidente de la FIDH et représentante d’Al-Haq.

Cette juriste italienne, obligée à une gymnastique diplomatique, préfère parler de "nettoyage ethnique" tout en comparant ce qu’il se passe à Gaza avec les génocides rwandais et bosniaque", à la différence qu’à Gaza aujourd’hui l’information est bloquée et le crime invisibilisé. "Le cynisme est tel que les Israéliens savent que ce qu’ils sont en train de faire est criminel et le présentent comme nécessaire... Or il n’y a aucune nécessité militaire. Ils sont en train d’abuser d’une population désespérée."

Selon elle, "la définition du génocide inscrite à l’article 2 de la convention sur le génocide s’applique au cas actuel de Gaza. Anéantir la capacité des hôpitaux de soigner les blessé·es et bloquer la fourniture de produits de première nécessité en est un exemple. En plus des bombardements violents, les Palestiniens meurent à cause du manque de médicaments, du manque d’eau et de nourriture et des maladies qui sont en train de se diffuser dans la population."

"Le risque de génocide se matérialise de plus en plus : cela devient évident y compris quand on écoute les discours des politiques et militaires israéliens qui demandent l’éradication des Palestiniens de Gaza. Dans leur folie éliminatrice et meurtrière, les Israéliens ont perdu toute pudeur. Ils en parlent comme s’il était normal d’aspirer à l’anéantissement d’une partie d’un peuple."

"Aucun peuple ne doit être au-dessus de la loi. On ne peut pas justifier les crimes d’Israël par les souffrances antérieures des juifs. La tragédie européenne s’est renversée sur les Palestiniens qui payent depuis 75 ans pour des crimes qu’ils n’ont pas commis."

Pour elle, "la seule manière soutenable de sortir de cette folie c’est d’avoir un plan sur le long terme qui permettrait le rétablissement de l’État de droit et du droit international. On ne peut plus laisser perdurer la loi martiale israélienne appliquée dans les territoires palestiniens occupés et qui conduit à l’oppression permanente du peuple palestinien. L’occupation militaire doit cesser et il faudra évaluer si les colons installés en Cisjordanie doivent ou non partir."

Pretoria invoque "les droits et les obligations de l’Afrique du Sud" de prévenir le génocide et "de protéger les Palestiniens de Gaza de la destruction". Par ailleurs, elle demande aux juges de "prendre des mesures d’urgence en ordonnant à Israël de cesser ses opérations à Gaza, de renoncer aux déplacements forcés des Palestiniens dans l’enclave et de permettre l’accès des Gazaouis à l’aide humanitaire".

Dans sa plainte de 84 pages, l’Afrique du Sud accuse Israël de violer la convention sur le génocide y compris en ne punissant pas "l’incitation directe et publique au génocide par de hauts responsables". Elle cite Yoav Gallant (ministre de la Défense) qui avait qualifié, le 13 octobre, les Palestiniens du Hamas d’"animaux humains".

Fin novembre, le New York Times a révélé que Tel-Aviv avait eu connaissance du plan du groupe terroriste plus d'un an avant qu'il ne soit mis en œuvre. Dans un document obtenu par le renseignement israélien en 2022, le Hamas détaillait avec précision sa stratégie. Ce document a "largement circulé parmi les responsables de l'armée et du renseignement israélien".

Le quotidien britanniqueThe Guardian rappelle que début octobre, l'Egypte avait déclaré avoir averti Israël d'un risque d'attaque trois jours avant l'assaut, information confirmée par les Etats-Unis. Le journal israëlien Haaretz cite les témoignages de plusieurs soldates de Tsahal, chargées de visionner les images de surveillance de la barrière autour de la bande de Gaza, qui ont alerté leurs supérieurs sur des activités inhabituelles du Hamas dans les mois précédant l'attaque. Elles estiment aujourd'hui que leurs alertes ont été ignorées en raison du sexisme qui règne au sein de l'armée israélienne. Les services de renseignement avaient été placés en alerte, le 6 octobre, face à un risque "d'infiltration" dans le sud d'Israël.

Pour Frédérique Schillo, spécialiste de l'histoire israélienne, les "failles du renseignement israélien ne découlent pas d'un manque d'information, mais d'une information qu'on ne sait pas analyser". "Israël a fait preuve d'aveuglement : il s'est senti invincible derrière sa barrière à un milliard de dollars, notamment à cause de son mépris pour l'ennemi".

Pour Ahron Bregman, professeur d'étude de la guerre au King's College de Londres, "les autorités étaient convaincues que la barrière ultra-sophistiquée à la frontière était infranchissable. Elle est en effet équipée de caméras et détecteurs de mouvements, mais aussi d'armes automatiques, afin d'éviter toute intrusion."

D'après l'IFRI (Institut Français des Relations Internationales), l’armée israélienne se sert de l’IA pour augmenter le nombre de cibles, malgré les dommages collatéraux. Notamment par une plate-forme informatique dotée d’intelligence artificielle pour piloter ses campagnes de bombardements : "Habsora" ("le gospel" en français).

Celle-ci est présentée par l’armée israélienne comme un système qui "permet d’utiliser des outils automatiques pour produire des cibles à un rythme rapide (…) en améliorant le renseignement (…) avec l’aide de l’intelligence artificielle". Titre de l'article : "Une usine à cibles" qui "fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre".

Le quotidien anglais The Guardian et le magazine israélien +972 ont publié des entretiens avec des officiers israéliens en fonctions et d’anciens militaires en désaccord avec la stratégie suivie, lesquels dénoncent les dérives : l’armée israélienne a revu l’ensemble de ces critères de ciblages et s’autorise désormais à mener des frappes "sur des résidences où vit un seul membre du Hamas, même s’il s’agit d’agents subalternes" du mouvement. De même, le nombre de victimes collatérales autorisées dans le cadre d’une attaque pour cibler un seul responsable du Hamas serait passé de "dizaines de morts" à "des centaines", d’après +972. Ces choix ont abouti à la destruction d’immeubles entiers pour une seule cible répertoriée.

Alors que l’intelligence artificielle, présente dans de très nombreux systèmes d’armes aujourd’hui, est d’ordinaire mise en avant par les milieux militaires comme une manière d’avoir une plus grande retenue dans l’usage de la force, car elle permet d’être plus précise dans la frappe, "là c’est précisément l’inverse"d'après Mme de Roucy-Rochegonde, chercheuse à l'IFRI. Pour elle, l'armée israélienne chercherait à "revoir la façon de calculer la proportionnalité d’une frappe ciblée, comme le réclame le droit international humanitaire, et à essayer de faire accepter une part plus importante de dégâts collatéraux".

Le journal La Brèche cite le titre d'un article de BFM Bourse du 09/10/2023 : "Thales : Après l’attaque du Hamas contre Israël, le secteur de la défense en hausse en Bourse". Si la France ne fait pas partie des "exportateurs d’armes majeurs" vers l’État hébreu, elle a quand même livré depuis dix ans pour 200 millions d’€ de matériel militaire, auquel il faut ajouter les fameux "biens à double usage" (34 millions d’€ en 2022).

Pour quelles applications ? L’Obsarm (Observatoire des armements basé à Lyon) déplore l’absence de liste précise du matériel exporté : "on n’a aucune idée de la dangerosité des armes conçues avec des éléments ou des composants produits et commercialisés par la France ... Aujourd’hui, y a-t-il par exemple des composants STMicroelectronics [Société implantée à Grenoble] ou Lynred [autre société grenobloise] dans les missiles ayant détruit des centaines d’habitations et tué des milliers de civils à Gaza ?

[1] L’article 2 de la convention de 1948 définit le génocide comme suit : "Le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : meurtres de membres du groupe ; atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe." La différence principale entre les crimes contre l’humanité et le génocide réside dans le fait que, pour que des actes puissent être qualifiés de génocide, ils doivent être commis "avec l’intention de détruire"

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