Israël utilise des drones snipers à Gaza, la guerre par l'IA

« Des ‘drones snipers’ tirent sur des cibles autour des hôpitaux de Gaza, selon un médecin britannique ». C’est le titre d’un article paru dans le journal anglais The Telegraph, le 13 novembre et dont le média Contre Attaque a partagé le contenu le 5 décembre. Dans cet article nous parlons de ces drones, de l'entreprise Smart Shooter et plus largement du développement des armes automatisées par Israël et de leur déploiement dans le reste du monde.

L'article du Telegraph explique avoir recueilli plusieurs témoignages d’habitants ou de soignants à Gaza évoquent des drones « volant à basse altitude et capables de tirer à balles réelles » dans l’enclave palestinienne. Les médecins rapportent qu’ils ont traité de nombreux « patients touchés au torse ou au cou par des drones israéliens quadcopter volant à basse altitude ». Le docteur Fadel Naïm évoque « des blessures directes causées par des drones ciblant des individus ».

Ces petits drones tueurs sont quasiment indétectables et imprévisibles.

Le Telegraph rapporte que le Tsahal et l’armée britannique sont connus pour acheter des drones à armes légères à la firme israëlienne Smart Shooter.

La société affirme que ses produits ne sont pas utilisés à Gaza, mais les drones décrits dans les témoignages ressemblent à l'un de ses produits : les drones Smash Dragon.

Sur le site de la firme, ces drones sont décrit comme « capable d’ajuster, de suivre et de toucher une cible dans un environnement inconnu – que celle-ci soit statique ou dynamique, de jour comme de nuit ».

Smash Dragon

La firme Smart Shooter est connue pour ses expérimentation avec l'IA pour "améliorer" les armes. Sa devise : « one shot, one hit ».

D'après le média Contre Attaque, cette firme a des contrats importants avec les forces d’occupation israéliennes, le ministère américain de la Défense, le corps des Marines américain, l’armée néerlandaise, la marine indienne, l’armée allemande et l’OTAN... Et de fait on retrouve sa présence sur plusieurs continents.

Implantation de Smartshooter dans le monde, Smart-shooter.com

En 2021 les marines américains se sont dotés de fusils visant et tirant automatiquement grâce à un viseur Smash 2000, un dispositif ressemblant à une lunette classique, qui se glisse sur le haut d'un fusil d'assaut, mais doté d'un système de visée informatisé développé par Smart Shooter.

« Le système est constitué d'une caméra et d'un laser afin de déterminer la distance entre l'arme et la cible. Un algorithme intégré permet ainsi de détecter automatiquement la cible, de prédire ses mouvements et d'indiquer au tireur où viser. »

"L'armée américaine se dote de fusils visant et tirant automatiquement"
Shooter 2000

Smart shooter a aussi produit des LBD automatisés en 2022 pour être expérimentés par l'armée israëlienne aux points de contrôle d'Hébron, ville palestinienne, déjà dôtée de caméras de reconnaissance faciale... Ce dispositif permettait de « détecter les mouvement de foule et tirer très précisément sur les individus considérés comme les plus à risque. »

C'était la première fois que ce genre de technologie utilisée par l'armée, était employée pour du "maintien de l'ordre" avec des armes dites "non létales".

Contre Attaque avait fait un article sur ce sujet en 2022, dont est tirée l'illustration ci-dessous.

Au printemps 2018, des drones ont lâché des grenades lacrymogènes sur les manifestants palestiniens lors de la "Grande marche du retour". Or, comme le fait remarquer Contre Attaque, à partir du moment où cette technologie est maîtrisée, il suffit de remplacer les lanceurs de grenades par des armes à feu.

« C’est le cas, avec des drones « capables d’emporter une carabine de type M4, d’ajuster une cible et d’encaisser le recul au moment du tir ». » (Contre Attaque)

Un drone israélien au-dessus des manifestants à Gaza vendredi 30 mars 2018 (Hatem Moussa/AP/SIPA)

En 2021, après la campagne de bombardements menée pendant onze jours sur Gaza, le Jerusalem Post rapportait que Tsahal revendiquait avoir mené cette année-là la première «guerre par IA».

Il mentionne plusieurs outils algorithmiques destinés à optimiser l’action sur le terrain. Le quotidien israélien nommait alors trois algorithmes, nommés «Alchemist», «Gospel», et «Depth of Wisdom». Un autre système, «Fire Factory», a été décrit en juillet 2023 par le média Bloomberg.

Voir : "Comment l’armée israélienne utilise l’intelligence artificielle pour bombarder Gaza" (Libération)

En 2021, l'armée israëlienne a utilisé le premier essaim de drones autonomes guidés par IA au monde. Une nouveauté significative, puisque jusqu'alors les drones étaient généralement contrôlés individuellement par des opérateurs à distance.

« Pour concevoir cette armada, l’armée israélienne a placé aux commandes un système basé sur l’IA. Celui-ci a été au préalable entrainé grâce à des images satellites et des données de reconnaissance collectées par des soldats ou des avions. Grâce à cette technologie, l’essaim est capable de continuer sa mission coûte que coûte, même s’il perd des individus en cours de route. »

"Israel aurait déployé le premier essaim de drones militaires" (Journal du Geek)

Une technologie qui a très bien pu par exemple s'appuyer sur la base de données de Blue Wolf, un système créé par l'armée israëlienne à partir de photos prises par des militaires avec des smartphones...

Une fois militarisés et regroupés en essaim, ces petits engins peuvent devenir redoutables. Miguel Ángel Hernández - Unsplash

Ce faisant, Israël a donné le feu vert pour le développement et l'utilisation des drônes armés par les autres puissances mondiales, comme les États-Unis, la Russie, la Corée du Sud, le Royaume-Uni ou la Chine.

En 2021, les conflits en Ukraine, en Syrie, en Libye et en particulier dans le Haut-Karabakh ont vu l’utilisation inédite et massive d'essaims de drones armés. Des engins sans pilote, de toute taille, jusque-là surtout utilisés pour des missions de renseignement ou des frappes ciblées, utilisés depuis pour des assauts groupés, armés, voire kamikazes...

En ce moment les armées du monde entier travaillent sur des blindés autonomes, des soldats "augmentés" par la technologie et des systèmes de tirs automatisés.

Le viseur Smash équipe aussi des drones terrestres munis de fusil d'assaut ou de précision ou de lance-missile anti char. Sur le salon Eurosatory de juin 2022, Roboteam, un fabricant américain de robots tactiques, a dévoilé un mini blindé équipé de ce dispositif de tir à distance.

Plusieurs personnalités et institutions, dont Human Rights Watch (HRW), ont publiquement pris position contre la prolifération de ces “robots tueurs”. Cependant, chez les États la tendance est clairement au développement de cette technologie, plutôt qu’à leur interdiction...

Un développement qui s'accompagne d'une frontière de plus en plus poreuse entre le maintien de l'ordre et le militaire.

Aujourd'hui les LBD's et les drones servent indifféremment dans les conflits armés entre superpuissances et dans le maintien de l'ordre. Les chiens robots, aperçus à Nantes en 2020, sont maintenant équipés de mitrailleuses ou de lance-grenades dans les usines.

L'utilisation de drones pour des tirs est à l'étude dans plusieurs pays, y compris en France (1).

Chien robot mitrailleur, image de Contre Attaque

L'IA par sa déshumanisation digitale renforce la violence de la guerre et du maintien de l'ordre. Il est plus facile de se dédouanner des massacres et des crimes perpétrés lorsque moins d'humains sont impliqués et lorsqu'il est possible de faire porter la responsabilité sur la machine...

Dans le cas de la Palestine, elle a contribué à un génocide.

« Sans une nouvelle loi internationale pour subvertir les dangers que pose cette technologie, les systèmes d’armes autonomes qu’Israël développe aujourd’hui pourraient contribuer à leur prolifération dans le monde entier et nuire aux plus vulnérables. »

Human Rights Watch, "Palestinian Forum Highlights Threats of Autonomous Weapons"

La résistance contre la guerre et l'armement passe donc aussi par la résistance à ces technologies. Des actions ont commencé en France.

Le 8 décembre, le siège de l’entreprise d’armement Safran a été repeint en solidarité avec la Palestine. L’entreprise Safran est une multinationale aéronautique et militaire française, qui travaille notamment avec la firme israélienne Elbit pour concevoir des drones de guerre. Les activistes ont fait un communiqué appelant à "désarmer la guerre".

Les mobilisations en soutient à la Palestine continuent partout en France.

(1) En 2022, la DGA a dévoilé le programme Avatar, un drone quadricoptère équipé d'un fusil d'assaut HK-416 pour des tirs à distance contrôlés par un humain sur des cibles situées à plus d'une centaine de mètres.

"Israël, Nice... : la chimère des approches cyber-sécuritaires" (Halte au controle numérique)

"Appel à un cessez-le-feu physique et numérique à Gaza et pour les Palestiniens du monde entier" (Halte au contrôle numérique)

"Milipol 2021 : Bienvenue à l'avant-première des nouveaux outils sécuritaires !" (Halte au controle numérique)

"Armement et technolologies sécuritaires : l'hydre à deux têtes" - Émission de radio de La Machine à découdre (avec HACN et le CRAAM)

Réseaux sociaux sur Israël/Gaza : entre censure des voix palestiniennes et amplification des haines

Appel de la FIDH : arrêter le génocide en cours en Palestine

Rester en sécurité en ligne...

8 réponses sur « Israël utilise des drones snipers à Gaza, la guerre par l'IA »