La circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces, signée de la main du ministre de la Justice, "relative à la lutte contre les infractions susceptibles d’être commises en lien avec les attaques terroristes subies par Israël depuis le 7 octobre 2023" vise, de fait, à limiter toute expression sur l'actuelle action menée par l'Etat Israëlien dans la bande de Gaza. Sans moyens de se défendre dans ce type de situation, nous préférons reprendre des extraits d'articles de médias mainstream (voir ci-dessous).
Deux éléments de contexte
- Le New York Times a publié le 8 octobre (donc avant le lancement des opérations israéliennes) un graphique sur le nombre de morts de chaque coté depuis 2008.
- Amnesty International, Human Rights Watch et d'autres organisations humanitaires internationales parlent depuis longtemps d'apartheid.
Attaques du Hamas : pour Israël, une immense faillite sécuritaire
Les attentats sanglants du Hamas en Israël signent la fin de l'illusion d'une toute puissance technologique qui pourrait empêcher absolument, par des moyens techniques aux pouvoirs "surhumains", toute agression.
"Je n'ai jamais vu la frontière être franchie de cette manière. Généralement, même si une personne de Gaza s'approche de la frontière, elle est interceptée et neutralisée avant même de faire quelque chose", constate auprès de NBC News David M. Friedman, ambassadeur des Etats-Unis en Israël sous la présidence Trump, de 2017 à 2021. L'attaque a complètement mis à mal la conception opérationnelle défensive à la frontière de la bande de Gaza, explique le journal israélien Haaretz, rappelant que l'Etat hébreu investit des milliards de shekels [la monnaie nationale de l'Etat d'Israël] à des fins de surveillance autour de l'enclave palestinienne, dont la frontière est gardée par des militaires et des moyens technologiques de pointe. Source France TV Info
En l’espace de quelques heures, samedi 7 octobre, des combattants du Hamas très déterminés mais équipés de moyens rudimentaires ont franchi un dispositif de sécurité réputé parmi les plus sophistiqués du monde, comprenant une barrière de six mètres de haut et de soixante-cinq kilomètres de long, surveillée en permanence par un système de caméras, radars, drones et autres capteurs thermiques. Venant d’un territoire, la bande de Gaza, soumis à un blocus et à une stricte surveillance, ils ont déjoué les plans d’un État, Israël, qui consacre plus de 20 milliards d’euros par an à son armée, et dont le premier ministre se targue de placer la sécurité au centre de sa politique. Leur incursion a conduit à des massacres dont l’ampleur n’a sans doute pas encore été pleinement mesurée. Comment cela a-t-il été possible ? [...] Le mur à un milliard de dollars, mis à terre par explosifs et pelleteuses. Autre emblème de la politique sécuritaire israélienne mis à mal par les auteurs des attaques terroristes du 7 octobre : le mur entourant la bande de Gaza. L’ouvrage, haut de six mètres, qui aurait coûté plus de un milliard de dollars (940 millions d’euros), a été franchi par plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de combattants du Hamas. Plusieurs vidéos de propagande, diffusées en quasi-direct, donnent des indications sur la manière dont ils s’y sont pris. Une partie des capteurs (radars, caméras…) israéliens a d’abord été mise hors d’usage : une vidéo montre des explosifs largués, probablement par des drones, sur les tours d’observation qui jalonnent la barrière. Parallèlement, les drones de surveillance israéliens semblent avoir été rendus (au moins en partie) inopérants par la mise hors de combat des soldats qui auraient pu s’en servir. "La question la plus fréquente est : où étaient les drones de surveillance israéliens ? La réponse est que tous ceux qui auraient dû appeler ces drones étaient déjà morts", analyse le journaliste israélien spécialisé dans les nouvelles technologies Assaf Gilead. Source Médiapart
Entre 2011 et 2021, le nombre d'entreprises de cybersécurité actives en Israël est passé de 162 à 459. À l'échelle mondiale, 40 % des investissements privés dans les levées de fonds dédiées à la cybersécurité sont allés à l’État hébreu en 2021 et les exportations israéliennes dans ce secteur ont atteint 11 milliards de dollars la même année, selon l’Israel National Cyber Directorate. Des chiffres qui donnent le tournis et témoignent de la vivacité d’un secteur en plein essor. En quelques années, Israël s’est imposé comme une véritable "cybernation" sur la scène internationale. Des entreprises comme Check Point, Argus, Verint et NSO [ndlr : producteur de Pegasus qui sert à nombre d'États pour surveiller des opposants, des militants et des journalistes], pour n'en nommer que quelques-unes, promeuvent les technologies israéliennes de pointe, alors qu’en parallèle de nombreuses start-up s’imposent comme des "cyber licornes", de jeunes sociétés non cotées en bourse qui affichent une valorisation de plus d’un milliard de dollars. Source RFI
Plusieurs enquêtes de médias ont mis en cause ces sociétés israéliennes dans leur aide à la répression à travers le monde : dans Vice, Le Monde, Rest of World.
Amnesty International a par ailleurs enquêté sur les nouveaux outils de reconnaissance faciale israéliens (Red Wolf, Blue Wolf, Mabat 2000...) déployés pour restreindre la liberté de mouvement des Palestiniens et Palestiniennes : interdiction d’accès à leur propre quartier, effet dissuasif pour exercer leur droit de manifester, menaces d’arrestations arbitraires... Ils ont produit un Rapport sur l'Apartheid automatisé (en anglais).
Nice, ville ultrasécuritaire, n'a pas été épargnée
Un constat semblable peut être fait suite à l'attentat de Nice le 14 juillet 2016. Dans la ville la plus techno-sécurisée de France, il coûta la vie à 86 personnes et fit 458 blessé.es. Le terroriste a même pu effectuer 11 repérages avec son véhicule dans une zone où ce type de camion était interdit de circulation, sous l'oeil des caméras de sécurité (1257 à l'époque, plus de 4000 aujourd'hui). Depuis, la ville de Nice, sans aucune remise en cause suite à cet échec, a embrayé sur la reconnaissance faciale et l'usage à haute dose de l'IA sécuritaire :
Le documentaire Fliquez-vous les uns les autres (2020) permet, à travers divers témoignages (dont celui de parents des victimes), de bien analyser les impasses de cette "doctrine techno-sécuritaire" prônée par les édiles de Nice (à partir de la 36e minute).
Or, selon l'analyse développée par Georges Malbrunot et Christian Chesnot, les liens idéologiques et d'affaires entre la mairie de Nice et Israël sont constants, eux soulignant la "fascination du maire de Nice" pour les technologies de cybersécurité israéliennes.
Quelle alternative ?
Ces technologies visent à couper de manière étanche un dedans protégé d'un dehors jugé menaçant. Le plus souvent il s'agit d'une logique de domination : dominants dedans, dominés dehors. Cela vise donc à masquer un problème politique : partage de territoire inégalitaire, injustice dans l'accès aux moyens de subsistance, restrictions des libertés...
La seule alternative possible est donc la reprise d'un dialogue, de négociations et d'accords qui rétablissent la liberté pour toutes et tous, l'égalité et mettent fin aux injustices.
"Au terme d'une décennie de surveillance de masse, l'informatique a prouvé qu'elle servait davantage à brider la liberté qu'à lutter contre le terrorisme", Edward Snowden, "Mémoires vives", 2019
13 réponses sur « Israël, Nice... : la chimère des approches cyber-sécuritaires »
[…] élu·es de l’Assemblée nationale ! Beaucoup de communes sont clientes (200 ?) : Nice bien sûr (emploi dont on peut discuter de l'efficacité), mais aussi dans la région Roanne, Moirans (38, La Quadrature du Net l'ayant attaqué au TA), le […]
[…] Israël est l'un des pays les plus techno-surveillés du monde et vend ses matériels partout dans le monde (voir l'affaire Briefcam, logiciel de reconnaissance faciale utilisé illégalement par la police française). Tout cela peut permettre à ses agents un pistage des opposant.es partout, d'où les conseils (en anglais) que délivre l'ONG européenne Access Now, traduits ci-dessous. […]
[…] signataires ci-dessous) ont rédigé cet appel à un cessez le feu "physique et numérique" car Israël s'est doté de nombreux systèmes cyber-sécuritaires et cyber-militaires, et mène aussi le combat via les réseaux sociaux. Tous ces dispositifs - dont ceux qui ciblent […]
[…] Israël, Nice... : la chimère des approches cyber-sécuritaires […]
[…] "Israël, Nice... : la chimère des approches cyber-sécuritaires" (Halte au controle numérique) […]
[…] Hever constate que l'échec du dôme de fer lors de la journée du 7 octobre ne devrait guère porter préjudice au secteur et aux grosses entreprises « comme Elbit Systems, […]
[…] Hever constate que l’échec du dôme de fer lors de la journée du 7 octobre ne devrait guère porter préjudice au secteur et aux grosses entreprises « comme Elbit Systems, […]
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[…] la faillite de ces dispositifs comme nous le soulignions en faisant un parrallèle avec Nice (Israël, Nice... : la chimère des approches cyber-sécuritaires), laquelle ville est justement la vitrine utilisée par les start-up techno-sécuritaires […]
[…] Israël, Nice... : la chimère des approches cyber-sécuritaires […]
[…] Mais, au-delà des enquêtes, la vidéosurveillance et autres moyens techno-sécuritaires ont-ils permis d’empêcher un acte ? Nice est une des villes les plus vidéosurveillées en France. Or cela n’a pas empêché l’attentat du 14 juillet 2016, alors que le terroriste avait été une dizaine de fois en repérage avec son camion sur la promenade des Anglais, un axe interdit aux poids lourds et truffé de caméras. La même remarque vaut d’ailleurs pour le sud d’Israël lors des attaques du Hamas du 7 octobre 2023 : la même technologie sécuritaire y était massivement déployée (fournie d’ailleurs par les mêmes entreprises – israéliennes – qu’à Nice). […]
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