Loi "sûreté dans les transports" : technopolice au sprint pour les JO !

Dessin paru sur le site de LQDN

La loi sur les JO 2024 (qui prévoit, entre autres la VSA "à l'essai" jusqu'en mars 2025) n'a pas encore été utilisée que, déjà, il parait nécessaire d'en rajouter une couche supplémentaire ("essai" encore, jusqu’en 2027 !), avec des spécificités la rapprochant davantage de la reconnaissance faciale "à la chinoise".

Une proposition de loi "relative au renforcement de la sûreté dans les transports" de Philippe Tabarot (LR) a donc été adoptée au sénat en février, et présenté à l'assemblée nationale le 15 mai (rapporteur Philippe Beaune, ex ministre macroniste), le tout en procédure accélérée (un seul examen par chaque chambre) pour que ce texte passe dans la loi avant les JO...

Son auteur (un cannois biberonné aux thèses des Estrosi et Ciotti) s'incrit dans la filiation de la loi Sécurité globale, avec la même approche techno-sécuritaire, en argumentant sur quelques faits divers montés en épingle (à la gare Saint-Charles à Marseille en 2017, à Bayonne (bus) en 2020, à la gare du Nord à Paris en 2023 (alors que, globalement, le nombre de victimes de vols et de violences dans les transports en commun n'auraient augmenté que de 2% en 2022).

Lors de l'examen de la loi sur les JO, le gouvernement avait promis une évaluation avant l'adoption de tout autre dispositif par le décret du 11 octobre 2023, lequel a conduit à la création d'un comité pour rendre un rapport d’ici fin mars 2025... Mais la méthode employée plus haut (proposition par un sénateur plutôt que par le gouvernement) permet de tout contourner, avec une période d'expérimentation qui va encore plus loin (2027).

Ce nouveau texte va permettre :

  • la captation du son dans les wagons,
  • la pérennisation des caméras-piétons pour les agent·es SNCF (voir tract de la CGT ci-dessous) et leur extension aux chauffeur·euses de bus,
  • l'autorisation donnée aux régies de transports (SNCF et RATP) pour traiter des données sensibles (liées à l’origine raciale, aux données de santé ou aux opinions religieuses et politiques),
  • la transmission directe aux procureurs des procès-verbaux d’infractions commises dans les transports,
  • les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP pourront effectuer des palpations et intervenir aux abords des gares. Ils pourront interdire l'entrée en gare aux personnes dont le "comportement est de nature à compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations" des trains, ou qui refuseraient une fouille de leurs bagages,
  • la répression des délits dans les transports est alourdie : création d'un délit d'"incivilités d'habitude" pour sanctionner les fraudeurs et auteurs d'incivilités réguliers, avec une nouvelle peine d'"interdiction de paraître" pour une durée de 3 ans maximum, et une amende de 2 500€ si un un bagage oublié provoque une perturbation du trafic,
  • son article 9 permet l’utilisation d’algorithmes de reconnaissance de comportements par des logiciels d’analyse de flux vidéos. Ceux-ci pourront "extraire et exporter les images" réquisitionnées par la police dans le cadre d’enquêtes pénales (algorithmes de VSA dits "a posteriori", tels que ceux fournis par la société israélienne Briefcam, qui permettent d’ automatiser des recherches dans des archives vidéo).

La VSA "a posteriori" : comme expliqué dans la brochure de LQDN, des requêtes de reconnaissance d’image permettent de faire remonter l’ensemble des bandes vidéos correspondant à certains critères thématiques (ex détecter l’ensemble des hommes portant un t-shirt jaune et un pantalon noir repérés dans une zone géographique donnée durant les dernières 24 h). Ce dispositif peut aussi raccourcir le temps de visionnage en sélectionnant les seuls passages susceptibles d’intéresser la police. L’analyse et le tri portent alors sur les caractéristiques biométriques des personnes, ce qui rend ce dispositif totalement illégal.

Laurent Wauquiez avant pris de l'avance en signant dès le 2 juin 2023 une convention avec la SNCF et le préfet de région pour équiper 129 gares (sur les quelques 350 que compte la région) et tous les TER d'Auvergne-Rhône-Alpes en caméras. Il y a ajouté 750 cars scolaires et inter-urbains puis, par un vote au conseil régional le 21 mars 2024, il incorpore à ce dispositif 285 lycées.

Il profite de la loi JO 2024 pour connecter le tout à des outils d’analyse par IA (VSA). Mais il veut aussi utiliser, à titre expérimental pour deux ans (jusqu’en mars 2026) des "logiciels de reconnaissance faciale" aux abords des lycées pour pouvoir identifier des personnes "suivies pour radicalisation terroriste", mesure illégale dans le cadre actuel.

Sur Le Monde

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