Comment s'opposer à l'identité numérique en France et en Europe

L'offensive est générale pour nous fliquer en permanence, au niveau français (avec France connect, la carte d’identité biométrique, monespacesanté numérique...) et au niveau européen avec le portefeuille d'identité numérique.

Ci-dessous inventaire (mis à jour régulièrement) des différents dispositifs. Nous y listons différents moyens de lutte pour s'opposer à cette numérisation de nos vies.

Plusieurs auteur·es (Célia Izoard, Matthieu Amiech, Nicolas Bérard, Alain Damasio...) appellent à bloquer l'ensemble de ces usages en refusant ou en détruisant son smartphone (voir Appel pour la désmartphonisation de la société).

Indiscutablement, ce pistage numérique européen s'inspire d'un modèle chinois techno-sécuritaire. Comme le résume Junius Frey, "la gouvernementalité chinoise sert d’ores et déjà de modèle aux formes occidentales d’exercice de la puissance" [1].

Ces orientations sont non seulement insoutenables au plan écologique – sauf à finir de mettre la planète à sac – et, passé le temps de la méconnaissance et de la sidération, elles commencent à être contestées car attentoires aux libertés individuelles et collectives !

[1] dans la préface du livre de Yuk Hui, "La question de la technique en Chine", Divergences, 2021

Les dispositifs existants et en projet en Europe

Les projets européens en la matière sont pour certains déjà anciens, mais la promotion de Thierry Breton (ex pdg d'Orange puis d'Atos) par Macron en décembre 2019 comme commissaire européen "au marché intérieur" (domaine qui lui permet de superviser la plupart des initiatives européennes en matière de numérique) a incontestablement accéléré les projets de pistage numérique de la population.

eIDAS Règlement européen de 2014, remanié en juin 2021Il organise les "interactions électroniques sécurisées" entre la population, les sociétés et les administrations selon trois niveaux de confiance : faible, substantiel et élevé.
Commentaire : un "service de confiance", c’est utiliser la bonne réputation d’une administration ou d’une entreprise pour rassurer l’utilisateur qui confie ses données. En France, c’est ainsi la Poste (service encore très bien perçu de la part des plus vieux ou dans les zones rurales…) qui est mobilisé pour délivrer une identité numérique pour des fonctions bien loin de ses activités, par exemple gérer ses droits à la formation… Une forme de tromperie donc.

PISTES POUR LUTTER
Avis de l’EDRI (d'après une expérimentation autrichienne) : la conception du système entraîne le risque d’une observation centralisée du comportement de l'utilisateur. Les gouvernements peuvent aussi accéder aux systèmes de sécurité des navigateurs web. Les ménages à faibles revenus (ne disposant pas des smartphones les plus évolués) pourraient se retrouver à payer plus cher pour utiliser les services d'administration en ligne ou être victimes d'une usurpation d'identité.
39 organisations de la société civile, universitaires et experts indépendants contestent ce dispositif (lettre en anglais de février 2023)
Portefeuille d’identité numérique ou "eIDAS Wallet".
Projet présenté en juin 2021, l’appel d’offre a été lancé dès février 2022, avant même le débat au Parlement européen (octobre 2022) !
Le projet est de doter, d’ici 2030, au moins 80% des citoyens européens d’un portefeuille rassemblant dans leur smartphone l’ensemble de leurs identités numériques, leurs données personnelles et autres justificatifs. L’objectif est d'obliger chacun à s’identifier dans des contextes très divers : paiement en ligne, preuve des diplômes acquis, parcours de santé...
Commentaire : la justification officielle de ce projet mené tambour battant par la Commission européenne (et le commissaire en charge du numérique, Thierry Breton) est de soutenir la réalisation du marché unique numérique, en renforçant l’offre de moyens d’identification électroniques transfrontaliers "conviviaux" et "sécurisés", pour créer "une identité de confiance". Mais chaque État pourra déléguer à des entreprises privées la délivrance des identités numériques, comme Google Profile , Facebook Connect, Apple ID, ou les comptes Microsoft ! Ou à des acteurs nationaux ("souverains") mais qui en fait stockeront leurs données chez l’une des GAFAM (ex en France avec Doctolib qui stocke chez Amazon).
Ce portefeuille conduit à la numérisation intégrale de la vie sociale de chacune et chacun.

PISTES POUR LUTTER
Diverses critiques dans les sources ci-dessous
Passeport de santé numérique européen, puis mondial
1e projet d’un passeport vaccinal électronique européen dès 2019.
Suite à un accord avec l’OMS (juin 2023), extension du pass sanitaire européen au niveau mondial
A l’occasion du covid a été testé à l’échelle de l’Europe un pass sanitaire européen ou certificat numérique européen Covid. Ce dispositif s’appuyait sur des organisations nationales spécifiques mais prévoyait une centralisation de certaines données : identité et état immunitaire, en se calant sur les principes de "nécessité et de proportionnalité" du RGPD.
A l’initiative du commissaire européen Thierry Breton et de l’OMS (Organisation Mondiale de la santé, dépendant de l’ONU), ce type de passeport de santé serait généralisé au niveau mondial (idée d’un réseau mondial de certification sanitaire numérique, sur la base des certificats numériques actuels de l’UE qui continuent de fonctionner).

PISTES POUR LUTTER
Avis de l’EDRI (lié aux usages des pass covid) : les risques sont d'exposer les titulaires de certificats à une surveillance de grande envergure par les autorités qui délivrent les documents, d’exacerber les inégalités et d’accroître l'exclusion sociale.
Ce type de dispositif basé sur une application pour smartphone exclut ceux qui n’en ont pas, ou qui ne souhaitent pas l’utiliser à cette fin.
Il serait techniquement facile de collecter des profils de mouvements de personnes, d'appartenance religieuse ou même des informations sur ce qu'ils font pendant leur temps libre et de les stocker dans un emplacement centralisé.
Cela donne aux Etats la possibilité de surveiller chaque mouvement de l'ensemble de la population.
Le passe sanitaire, un pas de plus dans "l’autoritarisme" et la "société du contrôle" (Reporterre)

... et en France

Les autorités françaises sont zélées dans l'application des dispositifs européens. Elles sont même les seules en Europe à adopter les technologies des dictatures : sur la reconnaissance faciale, sur les coupures des réseaux sociaux...

Carte nationale d’identité électronique (CNIe)
Généralisé en août 2021 (l’ensemble des français devrait en être doté en août 2031)
Sa puce contient un cachet électronique visuel (sous forme de QR Code) signé par l’État, la photographie du visage et l’image des empreintes digitales du ou de la titulaire. Ces éléments sont stockés dans le fichier des "titres électroniques sécurisés" (TES).

PISTES POUR LUTTER
Nouvelle carte nationale d'identité électronique : le vert est dans le fruit ? (critique par la LDH)
Passeport biométrique
Délivré depuis juin 2009 systématiquement lors de tout renouvellement
La puce stocke la photographie numérisée et deux empreintes digitales du détenteur du passeport, ces données sont stockées dans le fichier TES. Il remplacera à terme (2031 ?) son "ancêtre", le passeport à lecture optique. Il est déjà obligatoire pour certaines destinations (Etats-Unis…).

PISTES POUR LUTTER
Les limites du passeport biométrique (analyse par Le Monde)
FranceConnect
Créé en 2018, passé en octobre 2022 à FranceConnect+
Portail d’accès imposé pour de plus en plus de démarches administratives (1400 ?, dont ouvrir un compte bancaire, accéder à son dossier médical, faire une demande de carte grise, gérer ses projets de formation…). Au départ, on pouvait s’identifier sur France Connect à partir de plusieurs entrées (comptes impots.gouv.fr, ameli, mutualité sociale agricole, Yris [qui utilise la reconnaissance faciale] et Identité numérique La Poste). Désormais avec France Connect +, seule cette dernière est utilisable.

PISTES POUR LUTTER
Sécurité sociale, impôts... l’utilisation de FranceConnect suspendue depuis des semaines pour plusieurs services (diverses fraudes relevées par Le Parisien)
Application "France Identité" Lancée en 2018, elle devrait être déployée nationalement d’ici décembre 2023C’est l’étape suivante pour se connecter aux services publics ou privés en ligne, par l’intermédiaire de la plateforme France Connect. En effet elle deviendra progressivement le seul mode d’accès possible. Elle permet de justifier :
- son identité (alternative à la carte d’identité classique ou à la CNIe),
- son âge pour la consultation des sites X,
- à terme, elle pourrait stocker d’autres documents officiels, comme le permis de conduire, la carte Vitale, ou servir à certains actes, comme une procuration (test prévu lors des élections européennes de 2024 dans les départements 69, 92 et 28).
Contraintes
- appli compatible uniquement avec Android 8, iOS 16 et supérieurs
- doit disposer d’une capacité de communication en champ proche (puce NFC) ou être compatible avec le Système de garantie de l’identité numérique (comprenant puce RFID et QR code)
- disposer d’une carte nationale d’identité électronique (CNIe), comportant des données biométriques.

PISTES POUR LUTTER
France Identité numérique veut faire oublier Alicem (retour historique par ZD net)
Permis de conduire numérique
Début 2024 ?
La version dématérialisée du permis serait disponible sur l’application France Identité dès début 2024, après son test au second semestre 2023 dans les départements 69, 92 et 28. Les policiers pourront vérifier sa validité en le scannant ou à distance par la technologie NFC.

PISTES POUR LUTTER
Le permis de conduire bientôt dématérialisé sur les smartphones des Français (légère remise en perspective par Libération)
Carte Vitale virtuelle ou e-carte d'Assurance maladie Testée actuellement dans les départements
06, 44, 63, 67, 69, 71, 72, 76, devait être généralisée en 2026, mais l’autre projet est de la fusionner avec la carte d’identité (CNIe) pour une question de coût...
C’est une application pour smartphone nommée ApCV, qui stocke une photo d'identité qui permet d'identifier et d'authentifier les assurés et de consulter les données de leur carte en pharmacie. Les feuilles de soins seraient uniquement numériques, consultables aussi par les assuré·es (dans les 7 jours suivant la consultation), ainsi (à terme) que les données des complémentaires santé.

PISTES POUR LUTTER
Carte vitale numérique sur smartphone : une menace pour vos données ? (quelques dangers identifiés par lebigdate.fr)
MonEspaceSanté (anciennement Dossier Médical Partagé) Déployé en 2022 (seuls 10 millions sur les 65,7 millions potentiels l’ont activé)Pour "faciliter" l’accès aux informations médicales ainsi qu’à des services en ligne tels que la prise de rendez-vous et le renouvellement des prescriptions.

PISTES POUR LUTTER
Pourquoi s'opposer à la création de Mon Espace Santé (appel par La Quadrature du net)

Les sources critiques

Portefeuille d'Orwell : le système d'identité électronique européen nous entraîne tout droit dans le capitalisme de surveillance (EDRI, en anglais)

Bientôt le "portefeuille d’identité numérique", un cauchemar totalitaire (Célia Izoard)

Union européenne : pourquoi un portefeuille numérique à marche forcée ? (Carta-academica, collectif d'universitaires belges)

Santé, identité… L’Europe veut numériser toute notre vie (Matthieu Amiech, membre d'Ecran total)

Attention : le portefeuille d’identité numérique arrive en France (Nexus)

"Le numérique nous insère dans une trame toujours plus resserrée" (La Quadrature du net, dont Félix Tréguer)

Dossier thématique : l'identité numérique (CNIL)

Passe sanitaire, on ne va pas se laisser faire !

Exposé sur le portefeuille d’identité numérique

5 réponses sur « Comment s'opposer à l'identité numérique en France et en Europe »