Depuis des mois, les personnes étrangères vivant en Isère sont confrontées à d’énormes obstacles pour accéder à leurs droits. La Préfecture multiplie les pratiques illégales : impossibilité de prendre rendez-vous sans passer par le numérique, délais interminables, absence de réponse sur les dossiers, perte d’accès au travail ou à la santé.
Une 1e action devant le TA de Grenoble
À l’initiative de cinq associations (ADA, APARDAP, ODTI, IDH et La Cimade *), membres du collectif Bouge ta pref' 38 **, un 1e recours a été gagné devant le tribunal administratif de Grenoble (ordonnance du 28/03/2025 ci-dessous) contre la Préfecture de l’Isère pour que toute personne puisse accéder à la préfecture, y compris sans passer par une plateforme numérique. Le Tribunal a ordonné la mise en place d’un dispositif non dématérialisé de prise de rendez-vous.
La Préfecture a tenté de faire croire à l’existence d’un tel accueil en annonçant de nouveaux outils : une interface nommée "Démarches simplifiées" pour les prises de rendez-vous, et la possibilité de retirer un titre sans rendez-vous. Ces mesures ont permis quelques améliorations, mais sont comestiques.
Les associations évaluent que, pour 30% seulement des 1e demandes de titre de séjour, un rendez-vous est obtenu et que le délai moyen entre la date de la demande et la date du rendez-vous est de deux mois et demi. Pour toutes les autres demandes, le ratio est de 80% et le délai moyen est d’environ un mois, ce qui génère des pertes de droits (travail, santé, logement).
Par ailleurs, depuis le début de l'année elles constatent une dégradation de l'accueil des personnes, sans bienveillance ni tolérance concernant les documents à fournir. De plus il est toujours impossible de connaître précisément l'état d'un dossier, la seule réponse lors d'un renouvellement de récépissé étant "c'est en cours, il faut patienter", alors que beaucoup de dossiers ont été déposés depuis largement plus d'un an.
Dernièrement, le droit au travail n'est plus maintenu lors d'un changement de statut, au mépris de la loi. Pour l’ANEF (Administration Numérique pour les Etrangers en France), la mise à disposition des attestations de prolongation d'instruction (analogues aux récépissés) arrive souvent tard voire jamais, sans possibilité d'avoir une explication.
Devant ce refus persistant d’appliquer les décisions de justice, les associations ont demandé fin juin une nouvelle audience pour faire constater la non-exécution du jugement et obtenir une astreinte financière. En parallèle, la justice a également ordonné début juillet le respect du délai légal de trois jours pour les premières demandes d’asile, qui avaient parfois dépassé 50 jours au printemps.
2e victoire à Grenoble
Une nouvelle ordonnance, du 21 juillet 2025 (ci-dessous), confirme l'injonction de la 1e à mettre en place un dispositif non dématérialisé de prise de rendez-vous, mais cette fois avec des sanctions financières :
- pour les demandes qui ne relèvent pas du téléservice géré par le site internet de l’administration numérique des étrangers en France (ANEF), la préfète de l’Isère "peut autoriser le dépôt de pièces par voie électronique, mais sans déroger à l’obligation de présentation personnelle de l’étranger dans ses services".
- le service spécifique mis en place par la préfecture ne permet pas à l’agent de donner directement un rendez-vous à un étranger pour accéder au guichet, mais juste d’assurer une assistance sur les téléprocédures existantes. Ces modalités rendent donc toujours obligatoire l’utilisation d’un téléservice pour les demandes de titres. Le tribunal ordonne à nouveau à la préfète de l’Isère de "mettre en place, à titre provisoire, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance, des mesures alternatives aux procédures dématérialisées".
- Cette injonction est assortie d’une astreinte de 500 € par jour de retard.
- L’Etat doit verser une somme de 500 € à chaque association requérante.
Alors qu’il est demandé aux personnes étrangères de signer un contrat d’engagement à respecter les principes de la République, les associations constatent que la Préfecture de l’Isère, qui a pourtant un devoir d’exemplarité, ne respecte pas la loi et que les pertes de droits se poursuivent. Le nouveau jugement est très positif, mais il faut attendre la réaction de cette Préfecture.
* Ada (accueil des demandeurs d'asile), APARDAP (Association de parrainage républicain des demandeurs d'asile), ODTI (Observatoire des discriminations et des territoires interculturels), IDH (Institut de défense des droits de l'homme), Cimade
** Le collectif Bouge Ta Préf’ 38 regroupe 56 organisations
Ordonnance du TA de Grenoble du 21/07/2025
Ordonnance du TA de Grenoble du 28/03/2025
Autres sources
Martine Faure Saint-Aman, présidente de la Cimade Auvergne Rhône Alpes et membre du collectif Bouge ta préf 38, est intervenue lors de nos rencontres à Villeurbanne en janvier 2025
Enterrement des droits des étrangers, le coup de gueule de la Cimade à Saint-Étienne (mai 2025)
Dématérialiser l'administration des étrangers : outil de la xénophobie d'état (décembre 2024)
Atelier Migrations (statut d'objecteur du numérique) (septembre 2023)

Une réponse sur « Grenoble : victoire pour l'accès sans numérique des migrants »
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