L'électrohypersensibilité reconnue comme un handicap ?

Dernières nouvelles de Virginie (au 27/09/2023), très gravement électrohypersensible : le blindage de son appartement a bien été financé ... à moitié par la MDPH, le reste par des dons.

En lien avec la journée mondiale de l’intolérance à la pollution électromagnétique, Le Progrès du 16/06/2023 a consacré une page au cas de Virginie, personne électrohypersensible que plusieurs collectifs de la Loire défendent. Nous en reprenons ci-dessous des extraits, ainsi qu'une vidéo de France 3 et quelques éléments d'analyse.

Le calvaire de Virginie, électrohypersensible

Depuis des années, Virginie ne supporte plus les ondes électromagnétiques artificielles : wifi , téléphone portable, mais aussi électricité. Elle est "électrohypersensible". Cela la contraint depuis bien longtemps à une vie d’errance. "Parfois je suis même partie au volant de ma voiture, chercher refuge au fond des bois", explique-t-elle.

En 2016, elle trouve refuge à Sail-sous-Couzan. Elle investit dans un habitat léger qu’elle installe sur un terrain, au lieu-dit "Praval", loin de toutes ondes et à 200 mètres des lignes électriques. Elle peut ainsi retrouver son souffle et une vie un peu plus normale. Elle est céramiste et donne des cours de poterie. "Je crois que je n’ai jamais autant demandé aux gens d’éteindre leurs portables", se souvient-elle.

Mais cette parenthèse de pseudo-normalité va là encore prendre fin. En août et septembre 2022, une nouvelle antenne relais est installée sur la commune, au "Poyet". Les multiples alertes des collectifs ligériens qui la soutiennent dans son combat n’y feront rien.

Témoignage de Virginie sur les souffrances endurées à Sail-sous-Couzan (Loire) suite à l'installation d'une antenne (France 3)

"On est confronté au New Deal Mobile", se désespère Jocelyne, du collectif Sail Santé Environnement. En effet, en janvier 2018, ce nouveau programme gouvernemental a engagé les opérateurs à accélérer la couverture mobile des territoires.

Depuis 2019, Virginie ne peut plus conduire, elle ne sait plus comment faire face à ce nouveau coup dur. "Je n’en pouvais plus de rester sous les antennes, ma santé était en péril, je tombais, j’étais épuisée, ma souffrance était terrible".

L’hiver dernier, elle a même dû vivre seule dans une caravane sans chauffage, au fond des bois du Haut Forez, de janvier à mars 2023. Aujourd’hui, elle se bat aussi contre un cancer. Elle a été en soins au CHU de Saint Etienne et est depuis suivie à l’hôpital local de Boën-sur-Lignon : "ces hôpitaux sont des milieux tellement pollués pour moi".

Photo fournie par le collectif Sail Santé Environnement

La seule possibilité qui lui reste, en raison de son état de santé, c'est de retrouver l'appartement qu'elle a gardé en location comme point de chute dans sa situation d'errance, mais à la seule condition qu'il soit amenagé pour son électrohypersensibilité, c'est à dire blindé. Mais pour ça, il faut pouvoir financer l’aménagement des lieux.

Les actions du collectif Sail Santé Environnement

Ce collectif, dont certain·es de ses membres sont également électrosensibles, soutient Virginie depuis pas mal de temps, (avec d'autres, notamment le Collectif 1815). Ce sont eux qui ont obtenu - par l'intervention auprès de la préfecture des maires de Sail sous Couzan et de Saint-George-en-Couzan - la mise en place d'une Instance Départementale de Concertation en juin 2021.

Lors de sa 1e réunion en septembre 2021, déjà pour Virginie et pour Marie-Jeanne (une autre personne EHS partie depuis pour un lieu encore plus isolé), une première manifestation à Saint-Etienne a été organisée. Mais cette réunion n'a pas débouché sur des décisions concrètes.

Depuis, le collectif a multiplié les démarches auprès de la préfecture de la Loire à Saint-Etienne, de la sous-préfecture de Montbrison, des mairies concernées, de Loire Forez agglomération, de la Maison départementale pour les personnes handicapées … afin d'obtenir une solution d'habitat adapté à la situation des EHS.

Cependant, devant l'absence de résultats, une nouvelle manifestation a été organisée en novembre 2022 devant la sous préfecture de Montbrison. Cela a permis de relancer ces négociations. Il reste cependant la question épineuse du blindage de son appartement (des murs et d'une partie des plafonds doivent être recouverts de tissus anti-ondes) qui, pour le moment, n'est financée par personne et n'est pas à la portée de Virginie.

Des élus semblent se mobiliser

L'un d'eux est Jean-François Chossy, ancien député de la Loire. Il tente de donner aux personnes EHS plus de visibilité et plus de droits. "Je suis arrivé sur cette question un peu par hasard… J’ai reçu un coup de fil d’un ami, président d’une association qui devait remettre un chèque au collectif Sail Santé Environnement qui s’occupe de Virginie, une personne EHS, en grande difficulté. Il m’a demandé de m’occuper de ce dossier."

"J’ai rencontré cette femme dans une caravane sordide au fond des bois.
Il faisait un froid terrible, le ruisseau à côté totalement gelé. Elle ne pouvait se chauffer. Elle m’a raconté ses conditions de vie, obligée de se terrer dans des lieux sans droits ni titres.
"

"On doit pouvoir lui attribuer une prestation compensatoire de handicap"

Après diverses démarches, le sous-préfet a proposé une table ronde avec les services de la préfecture, la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH), la maire de la commune où Virginie pourrait trouver refuge. "Tous ensemble on était là pour trouver une solution. Qu’est-ce qu’on peut mettre en place pour elle ? Je souhaiterais que l’on puisse lui attribuer une prestation compensatoire de handicap. Elle est distribuée par la MDPH…"

"Mais pour l’instant cette pathologie ne rentre pas dans les cases. Elle loue un logement qui doit être aménagé, blindé. On a une idée technique de ce qu’il faut faire avec un devis. Maintenant il faut pouvoir le financer".

L’ancien député met en avant une loi qu’il connaît bien, il en a été le rapporteur. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle stipule que "constitue un handicap, selon la loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’un trouble de santé". Ce qui induit que "la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quelles que soient l’origine et la nature de sa déficience… Cette compensation consiste à répondre à ses besoins … notamment des aménagements du domicile".

Le député se souvient : "il y a 30 ans déjà, on ne voulait pas prendre en compte le trouble de l’autisme. On les envoyait en psychiatrie. Aujourd’hui, ces personnes sont prises en compte. C’est ce parallèle que je vais utiliser. Je ne désespère pas d’aller là aussi au bout. Il existe de multiples travaux scientifiques, des prises de position de médecins qui reconnaissent cette pathologie. Je vais me rapprocher de l’Académie de médecine, j’ai un dossier déjà tout prêt et conséquent à leur fournir pour démontrer que ce trouble de santé n’est pas une vue de l’esprit".

Et pour relayer avec plus de poids son nouveau combat il a fait appel à Jean-Pierre Taite, député de la 6e circonscription. Ce dernier confirme : "Les médecins voient de plus en plus de personnes électrohypersensibles, c’est un fait. Il est donc logique et légitime de faire reconnaître ce trouble de santé comme handicap et je vais m’atteler à cette tâche aux côtés de Jean-François Chossy".

2 réponses sur « L'électrohypersensibilité reconnue comme un handicap ? »

[…] Lors d'une première réunion de cette instance, nous avions soutenu les demandes de deux EHS lourdement touchées par les émmissions d'antennes récemment installées dans leur zone blanche. La réunion en elle-même n'avait rien donné mais - sur l'insistance de l'association Sail Santé Environnement, pendant plusieurs mois - la Préfecture a finalement favorisé l'obtention d'une solution de relogement avec blindage des câ…. […]